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l’Autriche et l’Allemagne. D’après O. K., la Russie ne désirerait en ce moment rien au-delà de ce qu’elle avait stipulé dans le traité de San-Stefano, c’est-à-dire l’affranchissement de tous les pays habités par les Bulgares et des garanties d’un gouvernement tolérable pour les territoires laissés à la Porte. Les Russes voudraient même que le sultan continuât à régner à Constantinople, car à aucun prix ils ne pourraient admettre qu’elle fût occupée par l’une ou l’autre des grandes puissances. La difficulté de faire de Constantinople une ville libre et indépendante consiste, d’après 0. K., en ceci : c’est que la souveraineté de l’Asie-Mineure en dépend. Cette difficulté ne parait pas insurmontable, car on pourrait laisser la suzeraineté de l’Asie-Mineure au sultan, qui irait fixer sa résidence au-delà du Bosphore, à Brousse par exemple.


III

Les vues actuelles que O. K. attribue à la Russie sont précisément celles que défend M. Gladstone. Il les expose nettement dans l’article qu’il a consacré à l’examen du livre de O. K. Voici son programme en peu de mots. Constitution de provinces autonomes en Turquie : la terre slave aux Slaves, la terre hellénique aux Hellènes. Dans les districts où les deux races sont entremêlées, gouvernement mixte, où chacune d’elles serait représentée. Quant à Constantinople, on peut attendre, mais le jour où une solution deviendrait indispensable, « on n’aperçoit pas encore ce qui empêcherait d’en faire une ville libre et un port franc sous la garantie de l’Europe. » « Seulement, ajoute M. Gladstone, tout en voyant clairement le but où il faut tendre, il doit nous être permis de consulter le baromètre politique pour choisir le moment favorable de nous mettre en voyage ; car la mer peut encore devenir orageuse. »

Les adversaires de M. Gladstone ont prétendu qu’il voulait expulser les musulmans, with bag and baggage, « avec armes et bagages. » C’est une calomnie. Il entend qu’on respecte leurs droits comme habitans du pays, non moins que ceux des Grecs ou des Slaves. Mais ce qu’il veut, c’est mettre fin au détestable gouvernement du sultan et des pachas, et en cela quel est l’ami de l’humanité qui oserait lui donner tort ?

Mais, a-t-on dit, c’est jouer le jeu de la Russie. Eh ! comment ne voit-on pas que c’est précisément le contraire ? Tant que les Slaves de la Turquie ont été malheureux et opprimés, ils se tournaient inévitablement vers la seule puissance qui prenait franchement et énergiquement leur défense. Mais si tous les états s’étaient entendus pour les protéger, ils n’auraient pas réservé leur reconnaissance exclusivement pour la Russie : Plus les provinces