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où était la France pour signaler les doctrines de ceux qui tiennent le timon.

Les faits précédens suffisent à faire la part du socialisme anarchique et démagogique pendant la révolution. Beaucoup d’autres documens analogues pourraient être recueillis, mais deviendraient insipides par la répétition monotone des mêmes idées. Passons maintenant à ce qu’on pourrait appeler le socialisme officiel et gouvernemental, ou plutôt cherchons s’il y en a eu un.


III

Nous appelons du nom de socialisme officiel ou doctrinaire celui qui a pu avoir sa part dans le gouvernement révolutionnaire et qui s’est présenté sous l’apparence d’une doctrine. On s’en est beaucoup exagéré l’importance. MM. Bûchez et Louis Blanc ont cru à une convention communiste et socialiste, ayant eu le pressentiment et même la volonté d’une révolution sociale, qui devait modifier profondément les bases de la propriété. M. Edgar Quinet a vivement réfuté cette théorie dans son livre sur la révolution. L’examen des faits doit nous apprendre qui a raison dans ce débat. Nous considérerons surtout la doctrine deceux qui ont eu la plus grande part dans le gouvernement de cette époque : Saint-Just, Barère et Robespierre, et de quelques autres conventionnels influens.

De ces différens personnages, Saint-Just est celui qui s’est le plus approché de ce que nous appelons socialisme ou communisme. Mais il faut distinguer dans Saint-Just deux formes de socialisme : l’un utopiste et purement littéraire, exposé dans son écrit sur les Institutions républicaines, l’autre pratique et plus ou moins explicite, qui ressort de ses discours à la convention.

Les Institutions républicaines de Saint-Just sont une utopie sans aucune originalité qui vient s’ajouter à toutes celles du même genre : la République de Platon, l’Utopie de Thomas Morus ; la Cité du soleil de Campanella, la république de Salente de Fénelon, le Code de la nature de Morelly. C’est une conception enfantine d’un ordre social imaginaire, plus ou moins calquée sur la fausse idée que l’on se faisait de Lacédémone, et qui n’a d’autre trait distinctif que le ridicule. C’est ainsi, par exemple, qu’il prescrit, contre la loi des climats, « que les enfans devront être vêtus de toile dans toutes les saisons. » C’est ainsi que, considérant la chair des animaux comme un luxe corrupteur, il exige que « les enfans ne vivent que de racines, de fruits, de légumes, de laitage, de pain et d’eau. » Quant aux adultes, ils ne devront manger de viande que trois jours par décade. Il méprise l’éloquence, et, comme les Lacédémoniens, il veut qu’on institue « un prix de