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en année des propositions toujours repoussées. Il montrait pourtant, au moyen de statistiques, que la rigueur du code assurait d’une autre façon l’impunité des coupables et que, par exemple, de 1805 à 1817, cent treize individus avaient été condamnés a mort pour des vols d’une valeur inférieure à cinq shillings, mais que tous avaient été graciés. Romilly mourut avant d’être arrivé au but ; Mackintosh entreprit de continuer son œuvre. C’était un juge criminel de la cour de Bombay, revenu comme tant d’autres pour occuper un siège au parlement après s’être enrichi dans l’Inde. Ou s’étonnera sans. doute qu’un magistrat de pays conquis où la force brutale était le plus habituel moyen de gouvernement se soit inspiré d’idées plus humanitaires que les magistrats de la métropole ; mais Mackintosh était un penseur studieux : il avait étudié les législations étrangères, il montrait notamment comme exemple à ses compatriotes le code pénal français, où la peine capitale était réservée pour les crimes qui épouvantent la société.

Ce fut pendant la session de 1819 que Mackintosh introduisit pour la première fois son projet de bill sur la réforme pénale devant la chambre des communes. L’exposé des motifs mis à l’appui de cette proposition était d’un caractère bien anglais. D’autres auraient disserté sur l’étendue et les limites du droit de punir ; il se contenta de présenter une statistique des condamnations à mort prononcées depuis près d’un siècle. L’énumération des crimes et délits passibles de la peine capitale était longue, a-t-on dit : il fit voir qu’il y en avait, dans ce nombre de deux cents et plus, vingt-cinq seulement auxquels le dernier supplice eût été appliqué en soixante-quinze ans. La loi en vigueur était donc tout au moins inutile pour les autres, puisque le juge avait cessé d’en faire usage. Bien des gens disaient, il est vrai, que mieux vaut laisser une loi tomber en désuétude que de l’abolir par un acte formel. Mackintosh s’appuyait sur la grande autorité de Bacon pour soutenir qu’une loi que l’on conserve dans le code alors qu’elle n’est plus observée infirme le respect dû à la justice, énerve l’autorité du gouvernement tout entier. Soumise à l’examen d’un comité spécial, trois fois repoussée par l’une ou par l’autre chambre, la proposition était encore représentée par son auteur en juin 1822. Le ministère reconstitué après la mort de Castlereagh n’était pas d’humeur à risquer son avenir sur une question dont l’intérêt était en réalité secondaire. Toutefois Peel fit écarter le bill proposé par un simple motif de procédure parlementaire et, peu. de jours après, avec l’esprit d’à-propos dont il fit preuve en d’autres circonstances, il présenta un projet conforme aux principes revendiqués par Mackintosh. Ce fut voté, et même voté sans débat par la chambre des lords, où lord