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général de l’Inde, comptant sans doute éteindre par cet exil momentané les inimitiés que son caractère lui avait values. De tous ceux qui le détestaient, son pire ennemi était George IV, qui ne voulait point pardonner à Canning l’acte le plus honorable de son existence, son attitude dans le procès de la reine. Ce souverain voyageait en Écosse ; peut-être s’était-il éloigné de Londres avec le secret espoir que, Canning une fois parti pour Calcutta, personne ne lui en parlerait plus. Mais lorsqu’il revint à Windsor, Canning n’avait pas encore quitté l’Angleterre. Les ministres, Wellington lui-même, conseiller toujours influent, s’efforcèrent de persuader au roi que Canning était l’homme de la situation. « Il m’a offensé, » disait George IV. « Sire, répliquait le duc de Wellington, le droit de grâce est l’un des attributs de la royauté. » Le roi, voyant que tout le monde se liguait contre lui, ne cherchait qu’une honnête façon de céder. Le mot lui plut, il se l’appropria. Le nouveau chef du foreign office remplaçait Castlereagh après un interrègne de trois mois. Les whigs qui le connaissaient savaient bien qu’il allait travailler pour eux et préparer leur retour aux affaires. Canning avait pris en même temps la direction de la chambre des communes. Sa supériorité apparaissait telle que personne n’était de taille à la contester, ou plutôt tous acceptaient d’être menés par lui. Bien plus, en présence de lord Liverpool, il prenait le ton et l’autorité d’un premier ministre. Il était donc inévitable qu’il voulût avoir au moins deux ou trois collègues qui lui fussent dévoués. Lord Sidmouth n’avait plus qu’un siège dans le cabinet sans portefeuille ; Bathurst était relégué dans une sinécure, la chancellerie du duché de Lancastre : tous deux consentirent à se retirer tout à fait des affaires. Vansittart était usé ; il ne fut pas difficile d’obtenir qu’il se démît. Huskisson devint président du Board of trade et Robinson chancelier de l’échiquier. Peel restait secrétaire au département de l’intérieur. Bien que peu nombreux, ces changemens équivalaient presque à une révolution. Le gouvernement restait tory de nom ; des réformateurs en avaient pris la direction. On ne fut pas longtemps à s’en apercevoir.

Parmi les réformes que réclamaient les esprits éclairés, la révision du code pénal était l’une des plus pressantes. Ce qu’étaient les lois criminelles, on l’a déjà dit : sévères jusqu’à la cruauté, par conséquent inégales dans l’application. Il n’y avait pas moins de deux cents crimes ou délits punissables de la peine capitale. Les gens de loi à qui l’on parlait de la nécessité d’une révision répondaient gravement que la déportation, même la mort, étaient seules capables d’inspirer de la crainte aux simples voleurs. Romilly, qui s’était fait le champion de la réforme pénale, renouvelait d’année