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chancelier de l’échiquier empruntait dans le seul dessein d’aligner un budget de convention, et les fonds de cet emprunt lui étaient fournis en partie par le créancier commode dont il créait lui-même les titres. Tout ou presque tout était fictif dans ces opérations. Chacun le voyait ; un membre obscur du gouvernement, Huskisson, eut le courage de le dire. Huskisson jouait à la chambre des communes un rôle effacé ; dans le gouvernement, où il était commissaire en chef des forêts et des revenus domaniaux, il comptait moins encore cependant les ministres commençaient à reconnaître son mérite, tout en se défiant de lui parce qu’il passait pour partisan des idées nouvelles. Le fait est qu’il s’avouait franchement disciple d’Adam Smith. Si on l’avait cru, on aurait mis de côté tous les expédiens, on aurait racheté les rentes rien qu’avec les excédens réels et laissé la banque d’Angleterre sans protection devant les porteurs de ses billets. Ces idées, au moment où elles furent émises, n’eurent pas le pouvoir de convaincre les membres du cabinet ; il ne leur fallut pas beaucoup de temps pour s’imposer.

Huskisson n’en était pas le seul partisan parmi les tories. Un autre économiste, Hume, se faisait aussi le défenseur des véritables doctrines financières dans la chambre des communes. Revenu de l’Inde après y avoir amassé une grande fortune, quoiqu’il n’eût servi la compagnie que dans les emplois subalternes de médecin et d’interprète, il avait, comme tant d’autres, acheté un siège au parlement. On raconte même que, le seigneur du bourg qu’il représentait ayant fait choix d’un autre candidat, il eut à soutenir un procès pour se faire rendre en partie la somme qu’il avait déboursée. En 1818, il était rentré à la chambre des communes comme l’élu d’une autre circonscription, et il s’était attaché chaque année à obtenir des réductions de dépense. C’était surtout aux sinécures que Hume s’attaquait. Il venait d’obtenir la suppression d’un tiers des emplois de receveurs généraux des impôts ; mais, à vouloir trop entreprendre à la fois, il ne se faisait plus écouter. De même que Huskisson, il travaillait, au détriment de son influence présente, plus pour l’avenir que pour le moment. Ricardo les secondait l’un et l’autre avec une autorité de parole qui s’imposait toujours.

Si la mort de lord Londonderry rendait inévitable un remaniement partiel du ministère, le parti tory était encore trop fort pour que le pouvoir lui fût enlevé. Le nombre des hommes d’état qui pouvaient prétendre à diriger les relations extérieures de la Grande-Bretagne était bien restreint, ou, pour mieux dire, il n’y en avait qu’un dont l’évidente supériorité écartait, tous les concurrens : c’était George Canning. Il venait d’accepter le gouvernement