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La menace seule avait produit de l’effet. Les grandes villes se calmèrent ; les polémiques de la presse prirent une allure moins irritante. Cependant l’agitation ne pouvait disparaître tout d’un coup. Dans le nombre des turbulens qui composaient le parti radical, il y en avait quelques-uns que rien ne devait arrêter. Une trentaine d’énergumènes à la tête desquels s’était placé Thistlewood l’un des meneurs du meeting de Manchester, complotèrent d’assassiner tous les ministres à la fois dans une maison où un dîner parlementaire les réunissait. Comme il arrive toujours, l’un des conjurés, qui était à la solde de la police, révéla les détails de l’affaire à la veille de l’exécution. Les cinq plus coupables furent pendus, les autres condamnés à la transportation. Ce complot sanguinaire, qui n’inspira que de l’horreur, parut justifier les lois préventives que le parlement venait de voter.

Ici s’arrête l’une des périodes les plus tourmentées de l’histoire moderne d’Angleterre. Les cinq années écoulées depuis la paix avaient été des années de crise sans exemple. La détresse avait été grande dans les classes ouvrières et agricoles ; les hommes remuans qui, la guerre terminée, s’étaient retrouvés oisifs, avaient rêvé de réformer les institutions de leur pays. Il est de fait que ces institutions, modifiées dans le sens de l’autorité absolue au cours de la longue lutte contre Napoléon Ier, ne répondaient plus aux tendances libérales de la population. Comprimés par les lois de 1820, les agitateurs ne s’entêtèrent pas ; redevenus maîtres des destinées du royaume, les privilégiés ne se crurent pas dispensés d’accorder de bonne grâce les réformes qu’ils avaient refusées devant des manifestations factieuses. Il y eut de part et d’autre de la modération. C’est peut-être le fait dont on puisse faire le plus honneur au peuple anglais.

Sur ces entrefaites aussi, le roi George III était mort le 29 janvier 1820. Il n’était plus depuis longtemps qu’un fantôme. Relégué en dehors des affaires de ce monde par la maladie terrible qui lui enlevait là connaissance de lui-même, il n’inspirait plus que de la pitié, et la pitié s’était transformée en respect. On l’avait haï, lorsqu’il était jeune, autant que souverain le fut jamais. Vieux et infirme, il fut aimé pour ses souffrances et respecté pour ses vertus privées, qui étaient incontestables.


III

George|IV}}, qui succédait à son père, après avoir été pendant neuf ans régent du royaume, n’était ni aimé ni respecté. George II et