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cas, ce fut pour une attaque contre le cabinet et non pour une attaque contre les institutions sociales que les premières poursuites eurent lieu. Une feuille obscure osa dire que le ministère avait fait la guerre à la France non pour renverser l’empereur, mais pour dominer les citoyens anglais. Traduit devant le jury, ce journal fut acquitté : sa réputation était faite ; inconnu la veille, il était célèbre le lendemain. Un peu plus tard, un pauvre libraire, Howe, était poursuivi à son tour pour avoir parodié dans un livre les formules de l’église établie. L’attorney-général crut ne pouvoir mieux démontrer combien cette œuvre était impie et scandaleuse qu’en en lisant des extraits devant la cour. Hélas ! les jurés eux-mêmes éclatèrent de rire. Repris par trois fois, devant des tribunaux différens, et pour des passages de son livre qui n’étaient pas les mêmes chaque fois, Howe obtint toujours un verdict de non-culpabilité. Décidément le jury ne voulait pas condamner les pamphlétaires.

L’agitation morale des esprits s’évanouissait avec les causes qui lui avaient donné naissance. La récolte de 1816 avait été déplorable ; par suite le pain avait été cher, le travail rare et mal rétribué. Dès le milieu de 1819, la situation s’améliorait ; le prix du pain redescendait à un taux raisonnable, le commerce redevenait prospère. Malgré la reprise des affaires, le rétablissement de la paix, les finances de l’état étaient toujours le gros souci de chaque session parlementaire. Ceux qui s’étaient imaginé que le budget se retrouverait en équilibre aussitôt la guerre finie étaient loin de compte. Il fallait mettre des garnisons dans les anciennes colonies et surtout dans les nouvelles dont la fidélité était encore douteuse, contenir l’Irlande ; bref une armée de cent quarante-neuf mille soldats et trente-trois mille marins paraissait indispensable. La dépense prévue se maintenait au niveau des recettes, à supposer que celles-ci ne fussent pas réduites. Mais la chambre des communes décidait, sous la pression de l’opinion publique, de supprimer l’impôt sur le revenu, qui rapportait 15 millions de livres par an. Il y avait un moyen bien simple de rétablir l’équilibre après ce sacrifice : c’était de supprimer l’amortissement, qui absorbait chaque année une somme à peu près équivalente. Les ministres n’osèrent le proposer. En 1816, en 1817, en 1818, l’examen du budget se représenta escorté des mêmes embarras. Le chancelier de l’échiquier, Vansittart, homme de routine sans initiative, empruntait d’un côté, sous forme de bons du trésor, ce qu’il lui fallait pour faire d’un autre côté des versemens illusoires à la caisse d’amortissement.

Qu’il y eût abondance ou disette, la question financière était