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protection de l’église. Elle se présenta à neuf heures du soir à la collégiale de Talavera et, trouvant la porte fermée, elle attendit sous le porche, avec son fils mourant, son dernier enfant, jusqu’au moment de l’ouverture de la porte du clocher. Elle passa six mois dans la tour exposée à toutes les intempéries du temps et des saisons, jusqu’à ce que le chapitre, touché de compassion, lui procura un logement un peu plus convenable dans la chambre du sacristain. Il se trouva, parmi les suppôts de don Juan, un individu assez scélérat pour proposer de lui enlever son fils, comme un sûr moyen de la contraindre à quitter ce dernier asile. Il s’offrait même à faire le coup.

Le 14 juillet 1678, Valenzuela, embarqué sur un galion de la flotte de la Nouvelle-Espagne, quitta sa patrie pour ne plus la revoir. Il toucha à Puerto-Rico, aborda à la Vera-Cruz et, traversant le Mexique dans toute sa largeur, il s’embarqua à Acapulco pour le lieu fixé à sa résidence. Durant ce voyage de plus de six mois, il n’avait touché ni un real, ni un vestido. Le vice-roi avait été informé officiellement de sa venue et avait reçu en même temps les ordres les plus sévères touchant la surveillance dont l’ancien favori ne devait pas un moment cesser d’être l’objet. Cavite est une ville située à l’opposé de Manille, à peu près comme Amibes en face de Nice, sur la côte sud de la baie de ce nom. Le fort de San-Felipe en défend l’entrée. Valenzuela y fut gardé à vue avec défense d’écrire à qui que ce fût, pas même à sa femme. Il semblait prendre plaisir à la conversation de son confesseur : on le lui ôta. Le jour de l’arrivée du courrier de Goa, les postes étaient doublés, les sentinelles avaient ordre de tirer sur toute embarcation qui ferait mine de vouloir aborder à terre. Le prisonnier supporta cette nouvelle série de rigueurs avec la même constance qu’il avait montrée depuis le moment de son arrestation, cherchant dans l’exercice de son esprit un remède à son infortune. Il passait une partie de son temps à composer et à écrire. Il reprenait ses habitudes de poète, faisait des vers lyriques et des comédies.

Après six années de détention rigoureuse, le sort de Valenzuela parut s’adoucir. 13 n ordre du roi, daté de 1682, parvenu à Cavité seulement en 1684, vu la distance, énorme pour ce temps, prescrivait au gouverneur de San-Felipe d’accorder à son prisonnier la permission d’écrire en Espagne, d’avoir des serviteurs particuliers et un logement convenable. Des fonds étaient mis à la disposition du gouverneur.

Le premier usage que fit Valenzuela de cette permission fut d’adresser à Charles II un mémoire justificatif où il expose les violences iniques dont il a été l’objet, après avoir été arraché de l’Escurial par la force et au mépris de l’ordre royal de sa majesté. Il proteste énergiquement contre le fait d’avoir été, non-seulement