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trahison, on ne tarda pas à savoir qu’il s’était réfugié à l’Escurial. Dès le 6 janvier, don Fernand de Tolède et le duc de Médina Sidodonia, à la tête de deux cents cavaliers, se présentèrent à la porte du couvent. Le prieur fut appelé. Sommé, de par le roi de livrer la personne de Valenzuela, ce religieux répondit qu’il était en possession d’un ordre contraire et demanda à voir le premier. On lui répliqua que cet ordre était verbal. En même temps, on commandait aux soldats de cerner le couvent et d’intercepter toute communication avec le dehors. Le prieur, voyant que ses supplications étaient inutiles, prit acte de la violation des droits de l’église et lança l’excommunication d’usage contre ses agresseurs. Les seigneurs embarrassés eurent recours à la ruse. Ils firent entendre au prieur qu’il était de l’intérêt de Valenzuela d’être mis en rapport avec eux. Le prieur y consentit, à la condition qu’ils se présenteraient seuls. L’entrevue eut lieu dans l’intérieur de la noble et superbe chapelle. Sommé de se rendre au nom du roi, Valenzuela répondit que, n’ayant conscience d’aucun acte contraire au service de sa majesté, il était prêt à lui obéir en sujet fidèle ; mais, qu’étant à l’Escurial par ordre signé du roi, il ne consentirait à en sortir que par un ordre contraire, dont il demandait la représentation. C’était mettre fin à la conférence.

Après avoir constaté la présence de Valenzuela à l’Escurial, ce qui était au fond le véritable objet de leur expédition, les seigneurs essayèrent de vaincre l’obstination des religieux en les prenant par la famine. Cette mesure barbare n’obtint pas plus de succès que l’intimidation, et don Fernand commençait à désespérer de se saisir de sa proie quand une délation vint révéler l’endroit précis où était caché Valenzuela. C’était un réduit fort étroit et voûté, situé près du sanctuaire de la chapelle : un tableau en dissimulait l’entrée. Le délateur était un barbier (sangrador), attaché au dispensaire du couvent, lequel avait été appelé auprès du malheureux prisonnier, que dévorait la fièvre, pour lui pratiquer une saignée. On paya sa trahison par deux cents doublons de récompense. Aussitôt l’ordre est donné aux soldats d’enlever le couvent. Ils se précipitent dans les cloîtres, pénètrent en armes dans la chapelle, quelques-uns même à cheval, tirent des coups de feu, jurant et criant a que le roi en a donné l’ordre, qu’il leur faut Valenzuela mort ou vivant. » Les religieux épouvantés cédèrent enfin. Valenzuela fut livré.

Don Antonio de Tolède procéda immédiatement à la saisie des dépouilles de l’ancien favori. Ce furent alors des scènes d’un autre genre, mais encore plus odieuses. Les caisses qui renfermaient l’argent et les joyaux furent mises à sac, Tolède ne se gênant pas pour s’approprier tel ou tel bijou qui était à sa convenance, et il y en