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d’une guerre civile, également funeste à la royauté, que le roi fût vainqueur ou qu’il fût vaincu. On décida que la première mesure à prendre était de séparer Charles II, de sa mère. Soit habitude d’obéissance, soit faiblesse de caractère, le jeune monarque se prêta sans résistance à cette résolution. Depuis l’époque de sa majorité, on s’était attaché à lui faire sentir la honte d’être mené par un homme de néant tel que Valenzuela, que l’on rendait responsable de tous les malheurs de la campagne de 1675, comme si le prince qui conspirait quand il fallait se battre, qui avait refusé de marcher contre la révolte de Messine, comme autrefois au secours de la Flandre, n’entrait pas aussi pour quelque chose dans les désastres de la patrie. Une nuit, Charles II sortit du palais dans le plus grand secret, et enveloppé dans son manteau, il se rendit au Buen-Retiro sous la conduite du duc de Medina-Celi et du comte d’Aranda. Située sur le versant opposé du plateau sur lequel s’élève la ville de Madrid, cette résidence est assez éloignée du palais royal, circonstance favorable au dessein des conjurés. On décida en second lieu que le roi écrirait à son frère de se rendre à Madrid pour l’assister dans son gouvernement. La lettre royale est du 27 décembre 1676. Le courrier qui en était porteur partit le 29 pour Saragosse. Mais, ce qui est plus extraordinaire, le même courrier portait également une lettre de la reine mère déclarant adhérer à la résolution prise par le roi. Qu’espérait cette princesse par cette inconcevable démarche ? Qu’on ne la séparerait pas de son fils, ce qu’elle redoutait par-dessus tout ? Mais pouvait-elle ignorer les sentimens de don Juan à son égard, et les prétentions de ses amis, qui mettaient pour première condition à la paix son éloignement de la cour ? On est confondu de tant de faiblesse inutile. Il est évident que depuis le renvoi exigé du père Nithard, — cette mortelle injure faite à une reine, — il s’était établi entre don Juan et Marie-Anne d’Autriche une lutte dans laquelle l’un ou l’autre devait infailliblement succomber. C’était l’opinion de Louis XIV. Quoi qu’il en soit, la lettre existe, mais elle ne sauva rien. Vainement Marie-Anne fit les plus grands efforts pour obtenir de voir son fils ou de lui écrire. Cette permission lui fut refusée. Vainement elle fit intervenir l’ambassadeur d’Allemagne, qui menaça les conjurés de la colère de l’empereur. — « Nous nous soucions bien de l’empereur, lui répondit le duc d’Albe ; ne veut-il pas bien gouverner son empire comme nous voulons, nous, notre royaume ? Qu’il songe que l’Espagne lui a mis la couronne sur la tête et qu’elle sent encore aujourd’hui ce qu’il lui en a coûté et le peu qu’il a fait pour elle. » La reine reçut l’ordre de quitter le palais et de se rendre à Tolède, dont on lui donnait le gouvernement, en lui assignant pour résidence l’Alcazar de cette ville. En même temps, le roi envoyait son confesseur à sa mère pour