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lui en donner des marques publiques. Un jour de chasse, dans le parc de l’Escurial, le favori avait pris poste en face du roi. Un sanglier étant venu à traverser la voie fut tiré par le porte-arquebuse, Gonzalo Mateo, qui se trouvait placé derrière sa majesté, de façon que quelques dragées atteignirent Valenzueîa, lequel fut blessé légèrement à la jambe. Cette blessure l’ayant forcé de garder la chambre pendant quelques jours, il reçut l’insigne honneur de la visite du roi et de la reine mère. Le porte-arquebuse fut arrêté. Pour avoir osé faire des représentations au roi sur la vice-royauté de Naples, qui avait été accordée sans avis préalable du conseil d’Italie, don Pedro Fernandez, secrétaire del despacho universal[1], fut révoqué de ses fonctions à la suite d’une vive altercation avec Valenzuela, et sa place donnée à don Jeronimo de Eguia, qui d’ailleurs la méritait.

Le favori semble avoir voulu répondre à des marques de confiance si aveugles et si touchantes et les justifier aux yeux du public en travaillant de toutes ses forces au relèvement de la monarchie. Il multipliait les audiences, exigeait le renvoi des administrateurs incapables, trouvait des fonds pour la solde des armées et l’entretien de la flotte, moyennant la plus-value des douanes, qui était son œuvre personnelle. Les vivres étaient hors de prix par le brigandage des magistrats chargés de l’approvisionnement de la capitale. Valenzuela donna tous ses soins à cette importante question. Grâce aux mesures qu’il prit, les abus cessèrent ; une baisse considérable eut lieu dans le prix des denrées. En même temps qu’il donnait du pain au peuple de Madrid, il lui fournissait les moyens de le payer en organisant de grands travaux publics. Un incendie avait dévoré une partie de la plaza Mayor ; il en ordonna la reconstruction et rebâtit notamment le palais de la Panaderiad’où la cour avait coutume d’assister, entourée des ministres étrangers, aux courses de taureaux, aux jeux de bague, et même, aux auto-da-fé. Doué d’un vrai sentiment de l’art, il fit retirer du Buen-Retiro, où elle était perdue pour le public, l’admirable statue équestre de Philippe II par Montañes et en orna le fronton du palais, où elle faisait le meilleur effet. C’est la même que l’on voit aujourd’hui sur la place del Oriente, en face du nouveau palais royal édifié par Philippe V. Il éleva la tour de l’appartement de la reine, jeta les fondemens du pont de Tolède, sur le Manzanarès, et construisit celui du Pardo. Le public lui sut gré de ces efforts, où il fit preuve, cela, paraît constant, d’une véritable

  1. C’est-à-dire chargé du contre-seing et des ordres du roi. Le despacho universal est aussi quelquefois appelé la covachuela, à cause d’une pièce voûtée, au rez-de-chaussée du palais, dans laquelle se trouvaient les bureaux de la chancellerie. Au despacho universal aboutissaient les propositions de tous les conseils.