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nous ne songions pas à tirer de cette infériorité, si elle existe, des conclusions trop générales.

La statue de Mgr Landriot par M. Thomas est un ouvrage parfait. Avec cette noble et poétique figure du Virgile que le sculpteur envoyait au Salon de 1861, on avait appris ce qu’il valait. Depuis, il avait surtout concouru à la décoration de nos monumens par des travaux consciencieux qui, sans lui attirer des succès bien bruyans, l’avaient mis en haute estime parmi ses confrères.. Lentement, mais sûrement, M. Thomas n’avait pas cessé de progresser. Il s’était tenu en haleine ; il vient de trouver son jour et de rencontrer dans un sujet qui convenait à la nature de son talent l’occasion de manifester toutes ses qualités. Par cette œuvre, bien française et qui se rattache aux meilleures traditions de notre école, M. Thomas s’est mis à sa vraie place. Recouvert d’un ample manteau qui retombe à grands plis derrière lui, l’évêque est représenté à genoux, en prières, les mains jointes, sa mitre et sa crosse posées à côté de lui. L’attitude aisée, le costume très riche, mais simplement pointé, sans apparat ni coquetterie, les mains longues, bien faites, — de belles mains d’évêque habituées à bénir, — la dignité de la prestance, tout montre ici ce soin de la personne qui dans ces positions en vue fait un peu partie du respect des autres. Tournée de côté par une inflexion très légère, la tête est charmante de distinction, de bienveillance, et sur. la bouche, dans le regard, dans l’expression de tous les traits, on sent cette aménité, cette onction, cette douceur et cette facilité d’accès qui avaient rendu le prélat si populaire. La silhouette générale a une élégance facile qui se soutient sous tous les aspects de ce bel. ouvrage, dont l’exécution, quoiqu’elle s’efface de son mieux, met bien en évidence : la mesure exquise et la noblesse. Il faut une entière possession de soi-même et des ressources de son art pour donner ainsi à une représentation de la figure humaine, outre le caractère individuel du portrait, cette haute signification morale qui en fait comme. une création et un type.

La clarté des intentions est imposée à la sculpture, et celle-ci la trouve facilement quand il s’agit de rendre hommage à des hommes appartenant à certaines conditions de la société. Pour un prélat, par exemple, ou pour un guerrier, le costume d’une part et aussi le mode de leur activité propre assignent une détermination précise à leur image. Mais pour des illustrations empruntées à l’ordre purement intellectuel, pour un savant, pour un littérateur ou un orateur, cette détermination est plus difficile à exprimer. Comment la rendre évidente aux yeux de tous sans trop appuyer, sans recourir à ces pantomimes indiscrètes qui, en détournant l’attention, du visage, véritable siège de l’expression, la reportent sur des attributs