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par lui avec beaucoup de talent et d’ardeur. Elle a sur la conversion en 4 1/2 l’avantage qu’elle donne au crédit plus d’élasticité. Avant que le 3 pour 100 dépasse le pair et soit susceptible d’être converti à son tour, il se passera du temps pendant lequel le crédit n’aura plus d’entrave. Nous avons cependant contre cette idée deux objections sérieuses; d’abord on ne songe pas du tout à prendre pour base de la conversion le cours actuel du 3 pour 100 ou un cours très rapproché. On craint aussi d’imposer un sacrifice trop considérable aux rentiers, et sans dédommagement aucun, car rien ne les garantirait, si on leur donnait du 3 pour 100 au cours actuel, que ce cours se maintiendrait, et s’il ne se maintenait pas, les malheureux perdraient à la fois sur le revenu et sur le capital. On imagine alors des cours de fantaisie : on offrirait aux rentiers de la rente 3 pour 100 à 66 ou 67 francs, de façon à leur assurer 4 1/2 pour 100 de revenu. Il est évident que, dans ces conditions, on ne trouverait pas de récalcitrans et que la conversion serait facile à faire. Mais quelle en serait la suite? Le trésor subirait un préjudice considérable, et les rentiers s’empresseraient de vendre à la Bourse les nouveaux titres qu’ils auraient reçus pour réaliser la prime qui y serait attachée; il en résulterait un déclassement considérable de rentes dont le crédit aurait beaucoup à souffrir. Puis, et c’est là notre grande objection, avec ce système, il n’y a pas d’amortissement; on remplacerait 7 milliards de dette 5 pour 100 par 9 milliards de 3 comme capital nominal, et on n’aurait rien pour éteindre cette dette. Il n’y a à notre avis qu’un genre de conversion qui soit possible, c’est celui que nous avons indiqué l’année dernière et qui consiste à remplacer le 5 pour 100 par du 3 amortissable. Cette combinaison sauvegarde tous les intérêts en jeu. Le trésor prend pour base de la conversion le taux actuel du crédit, il offre 4 francs de revenu au lieu de 5, et il compense, au profit des rentiers, la perte de revenu par une augmentation décapitai; ceux-ci n’auront qu’à attendre et ils seront sûrs de recevoir un jour, en dépit de toutes les oscillations de crédit, 100 francs pour chaque 3 francs de rente qu’on leur aura donnés, aux taux de 84 ou 85. Et quant au trésor, cette légère prime de 14 ou 15 francs qu’il offrirait, répartie sur soixante-quinze ans, lui coûterait fort peu cher. Elle ajouterait quelques centimes, tout au plus, à l’annuité qu’il faudrait servir chaque année. On avait autrefois pour principe que l’état devait s’abstenir, autant que possible, d’emprunter à un taux nominal supérieur à la somme qu’il recevait. Bien qu’il ait été dérogé plus d’une fois à ce principe, cependant il était bon dans le passé, quand il n’y avait pas de grandes variations dans le prix des choses, et qu’en recevant le remboursement d’un capital, au bout