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jusqu’à 100 millions et de l’appliquer ensuite à réduire soit les droits de mutation, soit ceux qui pèsent sur le sucre, en y comprenant, dans les deux cas, les taxes qui frappent les transports à grande vitesse. Ce sont là évidemment, dans l’état des choses, les impôts le plus nuisibles. La nation a supporté vaillamment les sacrifices qu’on lui a imposés; après la guerre, elle s’est remise à travailler avec ardeur pour réparer, dans la mesure du possible, les pertes qu’elle avait subies, elle a payé aux Prussiens, et avant le terme, l’indemnité stipulée, refait tout ce qui avait été détruit, ses routes, ses ponts, ses chemins de fer, renouvelé son matériel de guerre; mais il y a une chose qu’elle n’a pu effacer, ce sont les 800 millions d’impôts nouveaux. Ces 800 millions sont un lourd fardeau à supporter; on les a demandés en grande partie à la surélévation des taxes indirectes, et on a bien fait, car c’est là qu’ils devaient être le moins dommageables; ils n’en contribuent pas moins, dans une certaine mesure, à l’augmentation du prix des choses, En ce moment, à la chambre des députés, on cherche à établir que le prix de revient de nos produits est plus élevé que partout ailleurs, à cause de l’énormité de nos charges, et on demande qu’on établisse au moins des droits compensateurs sur les marchandises étrangères. Quelle serait la conséquence de ces droits? De rendre encore plus élevé le prix de revient, et partant la concurrence plus difficile. Il serait beaucoup plus simple et plus rationnel de procéder autrement, de diminuer d’abord les impôts pour réduire ensuite nos prix de revient. Si on dégrève de 100 millions et que le dégrèvement soit bien appliqué, ce seront 100 millions de moins que les marchandises coûteront, indépendamment du bienfait qui en résultera pour le contribuable. Il faut considérer aussi que, dans un budget chargé comme le nôtre, il y a trop peu de marge pour l’imprévu. Toutes les ressources sont absorbées par les besoins ordinaires, et si demain il nous arrivait une crise sérieuse et qu’il fallût faire face à des besoins extraordinaires, les embarras seraient grands. — Nous sommes comme un navire qui marche toutes voiles dehors et que le moindre vent contraire pourrait jeter à la côte; il faut alléger cette situation et pour cela il n’y a qu’un moyen, c’est de diminuer successivement les impôts pour augmenter les forces contributives. Mais comment faire pour se procurer les ressources nécessaires à cette œuvre? C’est la seconde partie de notre tâche et la question que nous allons maintenant examiner.