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au progrès de la richesse ; il arrête la consommation et est difficilement répercutable. On a pu voir chez nous-mêmes dernièrement combien il était utile de faciliter les communications ; on a diminué sensiblement les droits de la poste et du télégraphe, et immédiatement les correspondances ont pris un essor inaccoutumé; on a déjà regagné en partie les droits abandonnés, et le mouvement des affaires s’en est ressenti, ce dont le trésor a profité encore sous une autre forme. Qui oserait soutenir, par exemple, que la plus-value de 140 millions qui a eu lieu l’année dernière dans le produit des impôts et qui continue encore cette année sur une échelle considérable n’est pas due en partie à une plus grande facilité dans les correspondances? Il en serait certainement de même si on réduisait le droit qui pèse sur les transports à grande vitesse. Ce droit, avec les 0 fr. 2 1/2, est de 23 fr. 20 pour 100, c’est-à-dire que le prix de tout transport est grevé de près d’un quart au profit du trésor; on paye 123 fr. 20 là où on ne devrait payer que 100 francs s’il n’y avait pas d’impôt. Ce n’est pas là une taxe insignifiante et qu’on acquitte sans s’en apercevoir. L’année dernière, on a supprimé les 0 fr. 05 qui grevaient la petite vitesse, et on a bien fait, car cet impôt, qui donnait une douzaine de millions, était plus dommageable que productif; il se répercutait d’une façon très fâcheuse sous beaucoup de formes et nuisait à la concurrence avec le dehors. On peut faire le même raisonnement en ce qui concerne la taxe sur les transports à grande vitesse, et celle-ci est d’autant plus sensible qu’elle s’élève très haut. Maison suppose qu’en frappant ces transports on n’exerce pas d’influence mauvaise sur le commerce parce que la taxe s’applique à des marchandises qui peuvent la supporter. C’est une erreur. Certaines marchandises voyagent à grande vitesse parce qu’elles sont très pressées ou susceptibles d’une détérioration rapide : les denrées alimentaires par exemple, les fruits, les légumes; la taxe de 23 pour 100 leur est pourtant fort onéreuse. Si elle n’existait pas, ces marchandises pourraient être expédiées en plus grand nombre, aller plus loin et trouver de nouveaux consommateurs, ce qui serait un avantage pour tout le monde.

Croit-on aussi qu’il soit indifférent pour les voyageurs de payer 23 pour 100 de plus pour le prix de leur place. Même quand on voyage pour son plaisir ou pour des relations de famille, on regarde à ce prix; on y regarde encore plus quand il s’agit de se déplacer pour affaire, et ce sont les cas les plus nombreux. Si les frais étaient moindres, on voyagerait davantage, il y aurait plus d’affaires, et le trésor retrouverait sous une autre forme la taxe qu’il aurait abandonnée. Mais cette taxe rapporte environ 80 millions, et le trésor hésite à s’en priver. Cela se comprend. Ne pourrait-il au