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encore en vigueur dans le comté de Lincoln en 1816, autorisait les administrateurs des pauvres à disposer, comme ils le jugeaient à propos, des enfans inscrits sur la liste des indigens, et même à leur infliger des punitions corporelles.

Au surplus, le code pénal avait alors de telles sévérités pour tout le monde que les pauvres n’étaient pas seuls à s’en plaindre. Par exemple, la loi appliquait la peine de mort à deux cents crimes pour le moins, et dans le nombre il en est que l’on ne considère plus aujourd’hui que comme de simples délits. Voler dans un magasin des marchandises valant au moins 5 shillings ou bien un objet valant 40 shillings dans une maison habitée, ou bien un cheval ou un mouton ; mendier quand on était soldat ou marin, c’était une offense digne de la peine capitale aussi bien que briser une machine. Quelqu’un avait proposé sérieusement de punir de mort les débiteurs récalcitrans : toutefois la proposition n’avait pas été adoptée. On s’était vu obligé d’établir des degrés dans le mode d’application de cette terrible punition. Le coupable ordinaire avait la consolation d’être enterré après avoir été pendu ; le meurtrier était livré aux salles de dissection. Il n’était pas rare que cinq ou six cents personnes fussent condamnées à mort en une année ; à peine une sur dix était-elle livrée au bourreau ; pourtant c’était un dicton assez répandu que l’on pendait autant d’individus en Angleterre que dans tout le reste de l’Europe. Ces lois draconiennes avaient pour effet de rendre la répression fort inégale. Le jury se montrait d’autant plus difficile à convaincre que le juge pouvait élever ou abaisser le degré de la peine de façon presque arbitraire. Lord Eldon, qui fut depuis lors chancelier, était d’avis que le maintien de la peine de mort pour des faites légères était indispensable afin de permettre au juge de redresser le verdict du jury lorsque celui-ci n’avait pas bien apprécié l’affaire. On raconte qu’il appliqua cette doctrine dans le cas suivant : un homme ayant volé un cheval, l’avait vendu pour être dépecé au prix de 7 shillings 1/2. Le fait était prouvé, il fut déclaré coupable. Lord Eldon prononça la peine de mort ; non pas qu’il jugeât la peine appropriée à si maigre larcin, mais parce que la police avait trouvé dans les poches du condamné un trousseau de clés ouvrant toutes les barrières de Londres. L’homme était pendu pour un fait que le jury n’avait pas eu à apprécier.

Le coupable échappait-il à la peine capitale, un cruel avenir s’ouvrait devant lui. Parfois il était transporté aux antipodes. Célibataire, il considérait cet exil presque comme une délivrance. Marié, c’était une séparation qui brisait tous les liens de la famille. Quant aux femmes, le voyage de la Nouvelle-Galles du Sud était pour elles une école d’immoralité, car nulle discipline ne régnait sur les