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trouvaient point mauvais qu’il occupât ses heures de loisir comme il l’entendait.

Le clergé conservait cependant assez d’esprit de corps et d’influence politique pour que la suprématie de l’église établie ne fût pas encore mise en question. Depuis Charles II, le serment de foi et d’allégeance était imposé à tous ceux qui voulaient siéger au parlement ou tenir un emploi public, ne fût-ce : qu’un emploi municipal. Le but de cette mesure avait été, dans le principe, d’écarter les catholiques. Ses auteurs n’avaient pas songé que, par conséquence, les dissidens de la confession protestante se trouvaient aussi exclus du pouvoir. Bien plis, de simples illuminés qui ne contestaient aucune des doctrines de l’église établie, qui s’étaient seulement imposé, par scrupule de conscience, lui règle de ne jamais prêter serment, se voyaient frappés par cet ostracisme non moins inique qu’injurieux. Pour apprécier jusqu’où portait cette exclusion, il faut se rappeler que les universités et l’enseignement tout entier étaient sous la direction de l’église, que toutes les fondations attribuées au soulagement des pauvres ou bien au développement de l’instruction appartenaient à des corporations cléricales, que les dissidens payaient le dîme au clergé de même que tous les citoyens, et devaient en outre s’imposer entre eux pour les frais de leur culte. Jamais, à Rome même, l’intolérance ne lui plus absolue qu’elle l’était alors en Angleterre.

Comme résultat naturel, la grande masse de la population était pour l’église établie. Quelques vieilles familles de l’aristocratie restaient fidèles au catholicisme par tradition. Nombre de pauvres gens appartenaient aux églises dissidentes. Quiconque avait de l’ambition pour soi ou pour ses enfans, quiconque aspirait aux emplois publics ou voulait vivre comme tout le monde, appartenait au culte officiel. Il était mal porté d’être dissident. Le même état de choses produisit de tout autres effets en Irlande. L’immense majorité de la population y étant catholique, la suprématie protestante restait comme l’indice de la conquête étrangère : De là une situation violente qui se manifestait souvent par des troubles et, dans la vie habituelle, par un mécontentement chronique.

On l’a dit plus haut, le prix du blé n’avait cessé de s’accroître depuis que la Grande-Bretagne était en guerre contre la France. Les fermages s’étaient élevés à proportion, et par conséquent la dîme ; les propriétaires fonciers et le clergé s’en étaient bien trouvés ; ceux qui n’avaient à recevoir ni dîme, ni rentes, ni fermages, en avaient souffert. Le travail abondait dans quelques villes de manufactures, il n’en était pas de même dans les comtés agricoles. Les salaires y diminuaient, loin de progresser. Le taux en fût-il resté