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degré de la hiérarchie ecclésiastique, un ministre anglican ne croyait pas sa fortune encore complète. Les rectorats, les prébendes, les canonicats s’accumulaient sur sa tête ou sur la tête de ses enfans. Le docteur Sparke, évêque d’Ely, par la protection du duc de Rutland, dont il avait été précepteur, sut obtenir pour ses fils ou gendres, — il en avait quatre, — des emplois ecclésiastiques dont les revenus donnaient à chacun d’eux 90,000 francs de rente. Il n’y avait pas moins de dix mille cinq cents bénéfices en Angleterre et dans le pays de Galles. Les vieilles lois du royaume, édictées par Henri VIII et par Elisabeth, imposaient aux titulaires la condition de résider dans leur paroisse pendant un certain nombre de mois de chaque année. La règle était si stricte qu’ils étaient mis à l’amende même lorsqu’ils justifiaient, ce qui s’était vu, ne pouvoir point y trouver un logement. Une loi de 1802, tout en maintenant la résidence en principe, permit aux évêques d’accorder des dispenses lorsqu’ils le jugeraient opportun. L’abus ne tarda pas à s’en faire sentir. Dans ce même diocèse d’Ely, dont le chef était si bien pourvu, il existait, pour 82,000 âmes, 140 bénéfices, avec un revenu total de 60,000 livres sterling. Dix ans plus tard, on ne comptait plus que quarante-cinq ministres résidans dans leur paroisse. Le mal devint si grand qu’une nouvelle loi dut imposer à ceux qui se dispensaient d’accomplir en personne leurs devoirs spirituels l’obligation de se donner un vicaire avec un traitement convenable. Cette loi, que les évêques combattirent de tout leur pouvoir, à laquelle même les whigs s’opposèrent par un esprit de parti qui s’explique mal, ne fut votée qu’après avoir été repoussée plusieurs fois par l’une ou l’autre des deux chambres.

Il est aisé de concevoir ce qu’était le clergé inférieur lorsque ses chefs étaient absorbés par ces préoccupations égoïstes. Que la plupart des ministres fussent vertueux, charitables, on n’en doute pas ; mais le premier de leurs soucis était, à l’exemple de leurs supérieurs, de s’assurer la possession des richesses temporelles ou d’en jouir lorsqu’ils les possédaient. Le gentilhomme campagnard, le squire, avait parfois des devoirs politiques à remplir qui l’appelaient hors de chez lui. Le clergyman n’était dérangé par rien dans l’uniformité de sa vie. En bon Anglais qu’il était, il se livrait avec frénésie aux exercices du sport. La chasse et la pêche occupaient six jours de la semaine. Aussi y excellait-il : personne ne montait mieux à cheval, ni n’était plus adroit le fusil ou l’hameçon à la main. L’habitude en était si bien prise que personne ne s’en effarouchait. Pourvu qu’il fût exact à lire les prières et prêcher le dimanche et toujours prêt à remplir son ministère dans la semaine si quelque circonstance exceptionnelle l’exigeait, les paroissiens ne