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donc à peu de chose près ce qui s’appela plus tard la Via Domitia, laquelle se confondait en grande partie avec une vieille voie figure qui conduisait de Gaule en Espagne. Hannibal n’avait rien de mieux à faire que de la suivre. Narbonne, Béziers (Beterœ), Agde (Agatha), Saint-Ambroix furent donc ses principales étapes. Mais, à partir de Nîmes, il devait incliner sur sa gauche pour trouver un point favorable à la traversée da Rhône dans les conditions de sécurité qu’il souhaitait. Toutes ces données réunies mènent l’historien tout droit à Roquemaure ou aux alentours immédiats. Non loin de là, en face d’une plaine connue sous le nom de l’Ardoise, se trouvait un très vieux passage du Rhône, lieu de réunion de nombreux bateaux et canots servant aux communications entre les deux rives. C’est seulement depuis la construction des ponts Saint-Esprit et d’Avignon que ce passage a été délaissé. La configuration des lieux était fort avantageuse. Des deux côtés du fleuve les bords sont unis, permettent de s’embarquer et de débarquer aisément. Sur la rive gauche une belle plaine facilite le développement de la cavalerie dès qu’elle a débarqué. Il faut donc se décider pour l’Ardoise, près de Roquemaure.


III.

On avait compris à Rome les mouvemens d’Hannibal en Catalogne et la probabilité d’une pointe audacieuse à travers la Gaule sur l’Italie. Le sénat depuis lors n’avait plus songé qu’à hâter les préparatifs de guerre. On voulait opposer l’audace à la témérité, surprendre Hannibal, s’il se pouvait, en Gaule même, l’inquiéter en Espagne, porter la guerre jusqu’en Afrique. Il semblait que le temps ne manquerait pas, à la condition toutefois de ne pas en perdre. On ne croyait guère à un passage d’Hannibal par les Alpes centrales, pays inconnu du monde entier. On admettait plutôt qu’en se portant sur les bouches du Rhône et sur Marseille, ville détestée des Carthaginois, Hannibal tâcherait d’emporter par une brusque attaque la meilleure alliée de Rome et de se porter ensuite par les Alpes-Maritimes sur la Ligurie et l’Apennin. Il était donc d’une tactique habile de le devancer. On savait que la conquête de la Catalogne, qui lui prit en effet deux mois, ne s’opérait pas sans résistance. C’est donc sur l’Espagne que le consul Publius Cornélius Scipion se dirigea avec sa flotte de soixante navires et une armée de 30 à 32,000 hommes, qui n’était guère qu’une avant-garde. Mais il devait faire escale à Marseille, tant pour se ravitailler que pour prendre des informations plus fraîches. Quelle ne fut donc pas la stupéfaction du consul quand il apprit dans la ville phocéenne