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quelques-uns proposent d’ajouter aux contributions spéciales sur les revenus fonciers, mobiliers, industriels, commerciaux et professionnels un impôt général sur le revenu; d’autres, en plus petit nombre, demandent la suppression de tous les impôts directs et indirects, et leur remplacement par une taxe unique sur le capital.

Ces deux propositions ne doivent pas être mises sur la même ligne dans les préoccupations des hommes qui s’occupent des finances publiques. On peut discuter les avantages et les inconvéniens de l’une d’elles et avoir des doutes sur l’opportunité de son adoption; sur l’autre, au contraire, l’hésitation n’est pas possible.

Nous nous demanderons d’abord s’il convient d’ajouter à nos contributions directes existantes un impôt général sur le revenu.

L’impôt sur le revenu existe, dit-on, en Angleterre, en Prusse, en Autriche, en Italie. Il est, en principe, rigoureusement proportionnel aux facultés de chaque contribuable; il donne le moyen, par l’exonération des petits revenus, de compenser ce que les classes pauvres paient de trop en impôts indirects; il aurait l’avantage, chez nous spécialement, de corriger dans une certaine mesure les inégalités de nos autres taxes auxquelles il serait ajouté.

Nous reconnaissons que l’income-tax ne mérite pas tous les reproches qu’on lui a adressés dans les discussions dont elle a été l’objet devant l’assemblée nationale. Elle a, à divers points de vue, des avantages incontestables; nous ne sommes pas, en principe, personnellement hostile à cet impôt. Mais il ne doit pas être examiné seulement en théorie; quand on veut en faire l’application, il faut l’étudier surtout en tenant compte de la législation fiscale et de la situation sociale et économique du pays dans lequel on propose de l’établir.

Quoique l’income-tax ait eu beaucoup île peine à s’acclimater en Angleterre, il était tout naturel qu’elle y devînt une institution financière d’une grande importance; car avant son établissement, les contributions directes étaient presque nulles dans ce pays. Les revenus industriels, commerciaux et professionnels, de même que les revenus mobiliers, n’étaient pas imposés et les contributions sur les revenus fonciers étaient relativement très légères: le land-tax, impôt foncier sur la terre, s’élevait à 27 millions; l’impôt sur les maisons, à 3 millions. A l’exception de cette double taxe, il n’y avait aucun impôt spécial direct sur les revenus ni aucun impôt général sur l’ensemble des revenus.

Dans les autres pays où l’income-tax a été établie, elle ne frappe également que des revenus non imposés ou très ménagés.