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est inattaquable. Elle est payée actuellement par chaque habitant français ou étranger, de tout sexe, jouissant de ses droits et non réputé indigent. Les veuves, les femmes séparées de leurs maris, les garçons et filles majeurs ou mineurs, ayant des moyens suffisans d’existence, soit par leur fortune personnelle, soit par la profession qu’ils exercent, y sont assujettis. C’est rationnel et juste. Cette contribution n’a rien d’ailleurs d’antidémocratique; créée par l’assemblée nationale de 1789, elle a été maintenue par la loi républicaine du 7 thermidor an III; elle existe dans plusieurs états de la Suisse et de l’Union américaine. Il n’y a aucun motif de la supprimer en France ; nous estimons qu’elle doit être maintenue dans notre législation fiscale.

Enfin la commission du budget de l’exercice 1877, dans un projet de rapport sur la réforme des impôts, a proposé de supprimer l’impôt des portes et fenêtres et d’en réunir le montant au contingent de l’impôt foncier sur les propriétés bâties.

Cette suppression est demandée également par plusieurs économistes, notamment par M. Paul Leroy-Beaulieu. « Il y a quelques raisons de supposer, dit cet auteur, qu’une construction qui a beaucoup de fenêtres, ou beaucoup de portes, est plus importante, par conséquent plus productive pour le propriétaire, ou bien indique un plus gros revenu chez le locataire qu’une autre construction qui a infiniment moins de portes ou de fenêtres. Ces indices néanmoins ne sont qu’approximatifs ; dans bien des cas, ils sont trompeurs. D’abord, avec un plus grand nombre de fenêtres et de portes, une maison située dans le faubourg d’une ville peut avoir beaucoup moins de valeur qu’une maison qui est placée dans le quartier central ou élégant et qui présente moins de ces ouvertures. Ensuite, il y a non-seulement pour les commodités de l’existence, mais même pour la salubrité, un nombre presque irréductible de fenêtres et de portes nécessaires à un ménage même modeste. On peut dire, en outre, que plus une maison est divisée en appartemens de peu d’importance, plus le nombre des fenêtres et des portes doit y être relativement élevé. L’impôt sur les portes et fenêtres a d’autres inconvéniens : c’est que, dans la pratique, il peut pousser certaines personnes, d’une économie exagérée, à diminuer le nombre des ouvertures de leur habitation. La salubrité publique pâtit alors d’un impôt mal assis. Cette taxe a enfin un dernier malheur; elle blesse justement le sentiment public et a contre elle le préjugé ou plutôt la conscience populaire : ce n’est pas là un léger défaut. L’impôt sur les portes et fenêtres peut passer pour un impôt sur l’air et sur la lumière. Les passions politiques peuvent en faire le sujet de déclamations qui ne sont pas sans fondement. Aussi nous avouons ne pas comprendre comment on maintient dans un pays