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les paysans opéraient le partage des terres. Les insurrections cantonalistes commencèrent. Ce fut une contrefaçon de la commune de Paris. Dès le 13 février 1873, à Barcelone, trente mille ouvriers se rassemblent, proclament la république fédérale et fixent d’autorité la durée du travail et le taux des salaires. Le 8 mars, soulèvement à Malaga : la garnison se laisse désarmer ; le feu est mis aux casernes. Cependant les républicains de la veille gouvernaient la république espagnole. Castelar, Suner, Pi y Margall et Salmeron sont au pouvoir, mais ils sont dénoncés comme des traîtres. Le 7 juillet, grève générale dans la ville industrielle d’Alcoy. On en vient aux mains. L’alcade et quelques gendarmes se défendent pendant deux jours dans les bâtimens de la municipalité. Les insurgés prennent comme otages des prêtres et des fabricans. L’alcade et les gendarmes, faits prisonniers, sont égorgés par la foule, et six bâtimens sont livrés aux flammes.

Le :12 juillet, éclate la grande insurrection de Carthagène. Les matelots et les soldats de marine fraternisent avec les socialistes. Les vaisseaux cuirassés tombent entre leurs mains. Le général Contreras se met à leur tête et bombarde la ville d’Almeria. Il se serait probablement emparé des autres ports de mer sans l’intervention des flottes étrangères. Le 20 juillet les cantonalistes, avec qui la gendarmerie et les troupes ont fraternisé, sont maîtres de la province de Castellon. Un comité de salut public règne à Séville. La durée de la journée de travail est limitée à huit heures. Les relations entre maîtres et ouvriers doivent se régler en vertu de « la liberté absolue. » Pour préparer la « liquidation sociale » tous les loyers sont réduits de moitié, les biens des églises sont confisqués, toutes les pensions supprimées. Les fabriques et les ateliers fermés, ainsi que les terres non exploitées, sont attribués à ceux qui peuvent les faire valoir. À Grenade, les cantonalistes décident qu’on vendra les églises, qu’on fondra les cloches pour en faire du billon et qu’un impôt écrasant sera levé sur les riches. À Carmona, bataille dans les rues qui dure tout un jour. Cadix, Murcie, San-Fernando, Valence, Salamanque adhèrent aussi au mouvement cantonaliste. Il semble sur le point de triompher partout. Mais ces révolutionnaires qui proclamaient l’anarchie devaient tomber par elle. Au milieu de la désorganisation générale les ordres des chefs n’étaient pas obéis. Ils n’avaient aucune force réelle. Il suffit au général Pavia de rassembler quelques troupes fidèles et de les mener à l’attaque, du dehors, pour soumettre en très peu de temps toutes les villes insurgées. À Séville, les anarchistes se défendirent avec une grande ténacité, et pour imiter en tout leurs frères de Paris, « ils flambèrent, » au moyen du pétrole, les bâtimens qu’ils devraient abandonner. Pour reprendre