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L’APÔTRE DE LA DESTRUCTION UNIVERSELLE.

c’est-à-dire par le plébiscite, comme dans les autres cantons. La révision de la constitution fédérale de 1874 a été votée par 334,000 oui, contre 195,000 non. Sur 580,000 électeurs, 535,000, soit 90 pour 100, ont pris part au scrutin. La propriété collective de la commune se trouve aussi réalisée dans l’antique institution des Allmends. Point d’armée permanente, presque pas d’impôts, très peu de police, la commune autonome, le canton formé de la fédération des communes et la nation de la fédération des cantons. Que peut exiger de plus « l’anarchisme ? » Il est vrai que ce n’est pas encore « l’amorphisme » de Bakounine.

L’Internationale prit pied en Belgique dès 1865. Mais ce n’est qu’en décembre 1866 que se constitua la première section, et ce fut à Liège. Nous voyons dans le rapport du délégué de Paepe, au congrès de Lausanne, qu’une section très active s’était fondée à Bruxelles et qu’elle se rattachait les sociétés ouvrières de Gand et d’Anvers. Au congrès de Bruxelles de 1868, le délégué Frère annonça que plusieurs sections très nombreuses s’étaient formées dans le bassin houiller de Charleroy et qu’à Verviers « les francs ouvriers » avaient adhéré et même créé un journal, le Mirabeau, qui, chose rare, a vécu jusqu’à ce jour. À Bruges, se forma une section avec un journal, le Vooruit, et bientôt, à Anvers, parut le Werker, qui exerça une grande influence sur les ouvriers des villes flamandes. En décembre, toutes les sections se fédérèrent. Un conseil général de seize membres fut choisi et un journal créé, l’Internationale. Les sections se groupèrent par bassins. Elles devaient toutes envoyer des délégués au congrès général annuel. C’était à peu près la reproduction de l’association-mère. Les grèves et les conflits qui en résultèrent aux environs de Charleroy et à Seraing apportèrent à l’Internationale une grande notoriété. Cependant les meneurs n’étaient pas disposés à encourager les grèves, par crainte d’y échouer. Ainsi, au second congrès national d’Anvers (du 1er  au 15 août 1873), il fut résolu que les fédérations devaient tout préparer pour la grève universelle, mais qu’il fallait complètement renoncer aux grèves partielles, sauf « en cas de légitime défense. »

À l’époque de sa plus grande diffusion en Belgique, l’Internationale a compté huit fédérations : celles de Bruxelles, de Gand, d’Anvers, de Liège, de la Vesdre, du Borinage, du Centre et de Charleroy. Quant au nombre des adhérent, on l’a porté de cent mille à deux cent mille. Mais comme la qualité de membre s’acquiert par une adhésion toute platonique, une statistique exacte est impossible. Cependant l’organisation a été ici plus complète que partout ailleurs. Après la scission de La Haye, les internationalistes belges se prononcèrent contre l’exclusion de Bakounine, sans cependant