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et ne lui ont pas emprunté l’esprit révolutionnaire. Ceci est parfaitement mis en lumière dans une lettre de l’un des sociétaires de l’Internationale, Eugène Dupont du 1er  janvier 1870 : « L’initiative de la révolution, écrit-il, doit partir de la France, mais c’est en Angleterre qu’elle s’accomplira de la façon la plus radicale. Le paysan propriétaire y a disparu. La propriété est dans un petit nombre de mains. Toute l’industrie s’exerce par la centralisation de grands capitaux ; c’est ici que le capitalisme a pris tout son développement et a préparé ainsi les causes de sa destruction ; mais ce seront les étrangers qui devront donner le branle. Les Anglais ont toute la matière nécessaire à la révolution sociale ; mais il leur manque l’esprit généralisateur et la passion révolutionnaire. » Dans un livre de Onslow York : the Secret History of the International, le contraste entre Français et Anglais est bien dépeint, tel qu’il se manifesta dans les premiers congrès de l’association : « Je veux, dit le Français, exposer les vrais principes et fonder une société où règne la justice. — Moi, dit l’Anglais, ce que je réclame, ce sont de meilleurs salaires et le bill réduisant la journée de travail à neuf heures. — Le Français murmure à part lui : « Cet Anglais est un stupide animal ; pas d’idées générales, pas d’imagination, pas l’ombre d’une synthèse. What a sorry beast this John Bull ; no ideas, no imagination, not a hit of a synthese. »

Dès 1867, l’Internationale comptait près de trente mille membres en Angleterre. Le congrès général des Trade-Unions, réuni à Birmingham, engagea toutes les associations anglaises à s’y affilier. Une de résolutions portait « que l’extension du principe du libre échange produit la concurrence universelle, dont la baisse de salaire des ouvriers est l’arme principale ; que les sociétés de défense doivent pour aboutir s’entendre avec celles des autres pays et que les principes de l’Internationale conduiront à une paix durable entre les nations. »

Le principe de la collectivité du sol, adopté au congrès de Bruxelles (1868) et de Bâle (1869), fut inscrit dans le programme du groupe extrême du parti de la réforme agraire (Land reform) : « Attendu que le monopole de la propriété foncière est la source de tout le mal, social, moral et politique dont souffre la société ; qu’on ne peut y porter remède qu’en restituant le sol à son héritier légitime, le sol sera détenu par l’état, qui en cédera l’usage aux conditions à déterminer ultérieurement, les propriétaires actuels recevront en indemnité des rentes sur l’état. La suppression de l’armée permanente, les bénéfices de la banque nationale et l’impôt direct progressif, remplaçant toutes les autres taxes, fourniront les ressources nécessaires à cette réforme. » Même dans ces propositions