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comme les mouvemens volontaires et consciens, « ils cessent avec la vie ; ils cessent quand l’organe n’a plus de communication avec les centres ; ils cessent en un mot avec la sensibilité. » Ainsi le caractère propre de la sensibilité, c’est de donner naissance non pas à des réactions mécaniques, mais à des mouvemens « coordonnés et appropriés. » Or, c’est ce qui peut avoir lieu sans conscience. Maintenant, s’il peut y avoir sensibilité sans conscience dans le système général rattaché au centre principal, c’est-à-dire à l’encéphale, pourquoi n’y en aurait-il pas également dans les systèmes subordonnés se rattachant aux centres intérieurs? Pourquoi un animal que nous considérons comme une unité, parce que nous ne considérons que le moi central, ne serait-il pas un ensemble de systèmes coordonnés et subordonnés, ayant chacun sa sensibilité propre ? Par conséquent au-dessous de la sensibilité générale qui anime l’organisme entier, on peut admettre qu’il y a une sensibilité locale inférieure qui anime les différentes régions de l’organisme. On le voit, la doctrine, de plus en plus répandue dans la physiologie contemporaine, de la féodalité organique, soit qu’on y voie avec Hartmann, la série des degrés de l’inconscient, soit qu’avec d’autres, on admette une hiérarchie de sous-consciences, un emboîtement de petits moi, enveloppés les uns dans les autres à l’infini, une telle doctrine qui avait déjà sa source dans Leibniz et qui bien loin d’être l’introduction du matérialisme dans la psychologie, est au contraire la revanche du spiritualisme sur la physiologie, nous la trouvons en termes explicites dans Cabanis, et c’est là que Schopenhauer a pu trouver l’une des origines de son système. Voyez, en effet, l’analogie, non-seulement dans la pensée mais dans les termes, que présentent les passages suivans avec la doctrine du philosophe allemand. « Il faut considérer le système nerveux comme susceptible de se diviser en plusieurs systèmes partiels inférieurs qui ont tous leur centre de gravité... Peut-être, comme l’imaginait Van Helmont, se forme-t-il dans chaque système et dans chaque sens une espèce de moi partiel, relatif aux impressions dont ce centre est le rendez-vous... Nous ne pouvons nous faire une idée nette et précise de ces volontés partielles... Nous sommes donc portés à considérer chaque centre comme une espèce de moi véritable. »

Cabanis ne s’arrête pas encore à cette supposition des moi partiels, des volontés partielles ; il s’élève jusqu’à la conception de la cause générale des phénomènes vitaux, et il la cherche dans un principe qui embrasserait à la fois tous les phénomènes de la nature. Il soupçonne qu’il y a « quelque analogie entre la sensibilité animale, l’instinct des plantes, les affinités électives et la simple attraction gravitante ; » et dans tous ces phénomènes il voit un fait