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port du Gard, Port-Vendres, qui exportait les produits du Roussillou, la Nouvelle et Agde, qui écoulent ceux des vallées de l’Aude et de l’Hérault, sont dans une décadence complète. C’étaient à la fois des centres d’affaires, des lieux de séjour et de travail: ce sont à peine aujourd’hui des points de passage.

De toutes ces villes déchues, Aigues-Mortes est certainement celle dont la pauvreté et l’abandon sont le plus sensibles et contrastent de la manière la plus douloureuse avec les souvenirs glorieux de sa fortune passée. Mais, quels que soient sa misère et son délaissement à l’heure présente, c’est peut-être celle qui est appelée dans un avenir prochain à la plus soudaine résurrection.

La pensée de ressusciter Aigues-Mortes n’est pas nouvelle. Le 13 mars 1807, le conseil de la ville émettait le vœu que le port de saint Louis fût rétabli sous le nom de Port-Napoléon. Un projet fut dressé par les ingénieurs, et un décret d’utilité publique était rendu le 6 janvier 1310 pour l’exécution des travaux. La barre qui existait, alors comme aujourd’hui, à l’embouchure du Rhône, paralysait la navigation. Le passage du fleuve à la mer était fermé par les atterrissemens, et le canal d’Arles à Bouc venait d’être ouvert dans la pensée de faciliter à la batellerie fluviale l’accès du port de Marseille. La création du canal de Beaucaire pouvait., sur la rive gauche, ouvrir de même celui du port d’Aigues-Mortes. Le bassin devait être recreusé à 3 mètres de profondeur au pied de la Tour de Constance, le chenal redressé et approfondi; c’était plus qu’il n’en fallait alors pour le commerce maritime, qui ne se faisait que par navires de faible échantillon. Malheureusement les préoccupations et les dépenses de la guerre arrêtèrent l’exécution des travaux, et le port d’Aigues-Mortes rentra dans l’oubli.

Mais depuis lors le développement croissant de la production houillère du Gard est venu apporter dans la question un nouvel élément. L’exportation de ces houilles sur une très grande échelle ne peut avoir lieu que par un port situé à proximité des lieux d’extraction et spécialement aménagé à cet effet. Ce port, nous espérons le démontrer, ne peut être que celui d’Aigues-Mortes.


III.

L’industrie de la houille dans le département du Gard remonte, sans aucun doute, à une haute antiquité. Ce n’est toutefois que dans notre siècle, vers l’année 1825, que le marché s’est agrandi et que la création de nouvelles voies de communication et le développement de toutes les industries a augmenté le nombre et la nature des débouchés. Aujourd’hui, la houille du Gard, transportée à Cette et à Marseille, fait une concurrence sérieuse aux charbons