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servit l’amour présent. Mme de Longueville et M. de La Rochefoucault étoient dans la haute dévotion, et, quoique dans Paris, l’un et l’autre ne se voyoient plus et n’avoient pas même le moindre commerce, quoique la plus intime amitié et confiance subsistât toujours entre eux. Le roi n’avoit revu La Rochefoucault qu’avec peine quoique son fils fut favori. Le fils pressa son père, et celui-ci sortit des bornes prescrites par la piété, entre lui et son ancienne amie, pour lui persuader de reconnoître et d’essayer de faire légitimer leur petit-fils. Ce mot se peut lâcher sans scandale par la notoriété du fait et par celle de la façon également dure et sainte dont la nouvelle de la mort du comte de Saint-Paul fut annoncée et reçue par Mme de Longueville, qui l’aimoit uniquement. Elle ne résista pas au duc de La Rochefoucault. Harlay conduisit l’affaire, le parlement n’en prévit pas les conséquences, la légitimation passa sans nommer la mère. Jamais cela n’étoit arrivé, ni ne s’étoit osé présenter. L’exemple fait, la légitimation des doubles adultérins du roi sans nommer la mère ne put être refusée, et ils sortirent ainsi du sein du néant. »

Cette anecdote inédite n’est que le début du chapitre. Une fois lancé sur le compte des bâtards légitimés, Saint-Simon ne s’arrête plus. Il énumère complaisamment les distinctions dont ils furent revêtus, les charges qui devaient les relever : « Le roi, dit-il, qui ne se complaisoit qu’aux enfans de sa personne qui ne pouvoient être que ce qu’il les faisoit, au contraire des princes légitimes enfans de l’état, et grands, sans lui, par leur être, ne voulut des deux faire qu’une seule famille. » (P. 112.) Il reprend un à un les mariages faits sous les auspices de Louis XIV, insiste sur celui du duc de Chartres avec la bâtarde du roi, qui fit jeter les hauts cris à la princesse Palatine et s’écrie : « Que diroit-on de particuliers dont l’un épouseroit la bâtarde et doublement adultérine du frère de son père? » (P. 112.) « En effet, le roi fit si bien, qu’excepté le roi d’aujourd’hui, la branche d’Espagne et la seule mademoiselle de la Roche-sur-Yon, il n’est aucun prince ni princesse du sang qui ne sorte en directe des amours du roi et de Mme de Montespan. » (P. 115.) Seul, le comte de Toulouse trouve grâce devant lui. « Je dois lui rendre, dit-il, la justice qui lui est due, et avouer nettement qu’il n’eut point de part à cette élévation si radicalement destructive de l’honnêteté publique, de l’Évangile et de toutes les lois, l’écueil certain de toutes les femmes, la destruction des familles et le renversement des mariages. » (P. 109.)

Quand il arrive à Mme de Maintenon, il s’exprime en des termes plus violens encore. « Jusqu’ici il ne s’agit, dit-il, que des maîtresses de ces deux monarques (Henri IV et Louis XIV), mais que