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moderne à réconcilier la liberté individuelle et l’action collective. — Au lieu de n’aborder ces sujets qu’en passant et à bâtons rompus, comme nos professeurs sont obligés aujourd’hui de le faire, ils pourront les traiter méthodiquement et avec fruit.

Nous passons maintenant à une étude qui dépend étroitement de la précédente : l’économie politique. On sait que cette science, grâce à M. Duruy, est aujourd’hui enseignée aux élèves de l’enseignement spécial, ainsi que les éléments du droit. N’est-il pas étrange de voir ici encore, l’enseignement secondaire privé de ce qu’on accorde à l’enseignement spécial et maintenu dans un état d’infériorité véritable ? Ainsi nos humanistes n’ont besoin de connaître ni l’économie politique et le jeu naturel des lois de la richesse, ni le droit et les lois de l’état. Pourvu qu’on sache pérorer en latin et en français le but de l’enseignement est-il donc atteint? Nous n’hésitons pas à dire qu’un élève intelligent du cours spécial qui posséderait bien tout ce qu’on lui enseigne : morale privée et publique, économie politique, droit, histoire détaillée de la littérature française, serait un citoyen plus utile et en somme plus éclairé qu’un latiniste demeuré étranger à ces études. Un tel contre-sens ne saurait subsister : l’économie politique et le droit doivent avoir leur place légitime dans notre instruction classique. Pour l’économie politique il suffit de transporter dans les programmes de l’enseignement secondaire, avec quelques modifications, le programme excellent de l’enseignement spécial rédigé par les soins de M. Duruy. Le professeur s’attacherait, non à résoudre toutes les questions, mais à en faire comprendre les élémens complexes, les difficultés théoriques et pratiques, de façon à mettre les jeunes gens en garde contre les systèmes abstraits et les utopies. De même pour les notions de droit, qui devront comprendre : 1° la philosophie du droit et le droit naturel : définition, nature et fondement du droit ; examen des systèmes qui fondent le droit sur la force et sur l’intérêt; part de vérité qu’on peut emprunter à ces systèmes; rapports du droit avec la liberté, avec l’égalité, avec la fraternité; principaux droits de l’homme; leur limite dans le droit égal d’autrui; problèmes qui naissent de la collision des droits et moyens généraux de les résoudre ; 2° principes de notre droit civil, ses relations avec le droit philosophique, caractère philosophique de nos codes dans leurs dispositions générales; 3° notions de droit usuel; état civil mariage civil, testamens, contrats, etc.

Ne craignons pas d’ajouter une étude qui apaise et concilie les esprits quand elle est faite scientifiquement, autant qu’elle les divise et les irrite quand elle est abandonnée à la routine, au hasard, à la polémique des journaux et des partis ; je veux parler de la