Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
FILS DE PIERRE LE GRAND

II.[1]
LA CAPTURE ET LE RETOUR DU TSARÉVITCH. — L’INQUISITION DE MOSCOU. — LE PROCÈS DE PÉTERSBOURG ET LA MORT D’ALEXIS.


VI.

En entrant le soir dans la baie de Naples, le marin voit deux menaces suspendues sur ces plages enchantées; à sa droite, la fumée rouge du Vésuve ; à sa gauche les feux du château Saint-Elme : deux tristesses que la nature et les hommes ont jetées là-haut, dans ce ciel béni. Des crêtes de la montagne, la morose citadelle couronne et commande la gracieuse cité, comme un casque de pierre au front riant d’une déesse grecque. Les maîtres espagnols et allemands se sont légué tour à tour la vieille geôle qui a gardé tant de prisonniers illustres; prison clémente, semble-t-il, celle qui laisse voir à travers ses grilles la vague lumineuse portée des rochers d’Ischia aux grèves de Sorrente; prison plus cruelle peut-être, celle qui montre à sa victime l’ironie de la mer et de l’espace, le libre infini frémissant du continuel essor des ailes et des voiles. — Ce fut là, après quelques heures passées à la trattoria des Trois-Rois, qu’un carrosse de louage amena le tsarévitch Alexis, par des chemins écartés, le 9 mai 1717. Notre malheureux prince, hôte habituel des forteresses, se tint pour satisfait de sa nouvelle demeure; Saint-Elme devait être encore la meilleure étape de cette

  1. Voyez la Revue du 1er mai.