Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est entre les mains des meneurs de la classe ouvrière et des agitateurs socialistes. Là, ce ne sont pas seulement les conservateurs qui sont impuissans : les libéraux y sont frappés de la même exclusion : il n’y a de place que pour les radicaux les plus avancés. Sheffield seul fait exception, il a élu un conservateur en même temps qu’un radical.

Une centaine de bourgs, d’importance moyenne, nomment également deux députés. Dans presque tous, un candidat de chaque opinion a passé, et l’écart des voix a été très faible entre le premier des deux élus et le candidat qui est arrivé le quatrième. Ce fait ne peut recevoir qu’une seule explication, c’est que les forces des deux partis se balançaient très également dans ces circonscriptions et que le moindre incident pourrait y déplacer la majorité. Comme le nombre des votans a été partout plus considérable qu’en 1874, cette distribution presque égale des suffrages ne permet pas de conclure que les forces du parti conservateur aient décliné.

On ne saurait tirer une conclusion différente de ce qui s’est passé dans les petits bourgs qui n’élisent qu’un seul député : l’opposition y a obtenu presque partout l’avantage, et c’est de là que lui viennent la plupart des recrues qui ont renforcé ses rangs; mais la majorité y a varié entre 2 et 25 voix et n’est arrivée presque nulle part à dépasser 100 voix. Un journal conservateur a établi, par un relevé des chiffres des scrutins, qu’il eût suffi de déplacer 3,500 voix sur plus de 800,000 votans pour changer le résultat dans soixante ou soixante-dix élections, c’est-à-dire pour donner au gouvernement la majorité que l’opposition a obtenue. Il est curieux de rapprocher de ce fait une allégation de M. Chamberlain qui a revendiqué tout l’honneur de la victoire de l’opposition pour le Caucus System, c’est-à-dire pour l’organisation électorale américaine dont il s’est fait l’importateur. Cette organisation n’est autre chose que l’embrigadement régulier des électeurs par dizaines, centaines et sections; chaque section se faisant représenter par un délégué au sein d’un comité qui arrête un programme obligatoire pour tous les prétendans à l’élection et choisit parmi ceux-ci le candidat définitif en faveur duquel il exige le vote de tous les affiliés. M. Chamberlain fait remarquer que cette organisation a été introduite par ses soins et ceux de ses amis dans soixante-sept circonscriptions et que dans soixante-six l’avantage est demeuré à l’opposition. Il est permis en effet de penser que le principal avantage de la création de ces comités a été de prévenir les compétitions qui auraient divisé les votes de l’opposition.

La principale force des conservateurs réside dans les comtés : néanmoins, ils ont fait de ce côté des pertes assez sensibles que l’on s’accorde à attribuer à l’influence exercée sur les électeurs par