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Vers 1505, comme le cardinal Zen, mort en 1501, avait fait un legs considérable à la république, le sénat décréta qu’on lui élèverait un tombeau dans la basilique. Je n’insiste pas sur les admirables sculptures de cet ensemble, dû au premier des Lombardi; il s’agit ici des changemens opérés lors de la restauration.

Antonio Lombardo, de 1505 à 1515, avait modifié l’aspect de la chapelle pour y placer au centre le sarcophage sur lequel repose la statue du cardinal; il avait adossé à la l’ace méridionale le riche autel de bronze fondu par Zuane dalle Campane, autel indiqué à l’extérieur sur la Piazzetta par le petit édicule dont nous avons regretté la suppression, et, se bornant à flanquer cet autel de deux grands panneaux de mosaïques avec les armes de la famille Zen; il avait respecté les bas-reliefs grecs qui, primitivement, ornaient les parois de la chapelle, et aussi l’ensemble considérable des compositions qui en ornaient les voûtes : mosaïques du XIIe siècle du plus haut intérêt, représentant douze épisodes de la vie de saint Marc.

Lorsqu’il s’agit, en 1865, de restaurer la façade méridionale de la basilique, opération sur laquelle nous avons insisté, comme on refaisait les murs et les voûtes, on enleva la plupart des mosaïques que le Lombardo avait respectées, conservant seulement tout ou partie de celles appliquées sur des plans perpendiculaires. Les mosaïques primitives enlevées, restaurées depuis, existent encore en magasins, maintenues dans des cadre» de bois. De courbes qu’elles étaient, on les a ramenées au plan horizontal; et sur les voûtes, on leur a substitué des copies fidèlement exécutées par la compagnie, alors dirigée par M. Salviati. Nous avons comparé les copies aux originaux, et, à part la question de principe, il faut reconnaître qu’autant qu’un ouvrier moderne peut se substituer, dans un tel travail, à un ouvrier du XIIe siècle, l’œuvre est consciencieuse et fidèle.

Mais ce que les signataires du manifeste anglais demandaient aux Italiens, c’était de ne jamais substituer l’œuvre d’un mosaïste moderne à celle d’un mosaïste ancien, sous peine de détruire à jamais tout ce qui constitue l’attrait, le prix et le charme de l’œuvre primitive. Les restaurateurs, à leur tour, répondent que, si on connaît le secret d’enlever une fresque peinte sur un plan horizontal et de la replacer après avoir reconstruit le mur qui la portait, cette opération devient déjà moins simple si la fresque est exécutée sur une voûte, mais que, si on se trouve en face d’une mosaïque composée de millions de petits cubes fixés il y a sept cents ans sur une couche de ciment qui aujourd’hui tombe en poussière, l’opération devient impossible. C’est donc une question de principe, et il est impassible