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de l’intérieur, escortées de toute une série de lois et de décrets « existans, » depuis l’édit royal de 1762 jusqu’à un décret impérial de 1852, depuis la loi de 1790 jusqu’à la loi de 1828. Ces mesures, en définitive, elles se résument dans deux décrets distincts, dont l’un a particulièrement trait aux jésuites: on laisse à la compagnie de Jésus un délai de trois mois pour se dissoudre, et ce délai sera prolongé jusqu’au 31 août, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année scolaire pour les maisons d’enseignement. Le second décret moins laconique, moins absolu, plus compliqué et sans doute d’une exécution infiniment plus difficile, regarde les autres congrégations « non autorisées. » Celles-ci ne disparaissent pas par mesure d’état. Elles ont trois mois pour communiquer leurs statuts aux pouvoirs publics et pour demander la « reconnaissance légale » sans laquelle elles ne peuvent exister. La demande d’autorisation devra contenir particulièrement la désignation des supérieurs, l’indication du lieu de résidence, la justification que cette résidence restera fixée en France. Les statuts devront avoir reçu l’approbation des évêques des diocèses et contenir la clause que la communauté reste soumise, dans les choses spirituelles, à la juridiction de l’ordinaire. A défaut de la demande d’autorisation régulièrement formée dans le délai de trois mois, toute congrégation « encourra l’application des lois en vigueur. » Ainsi la compagnie de Jésus définitivement frappée dans son existence collective et les autres congrégations soumises à une série de formalités pour arriver à l’existence légale, c’est là le résumé des décrets d’hier.

Que ces mesures, telles qu’elles sont, doivent provoquer des contestations ardentes, susciter peut-être de dangereux conflits et dans tous les cas rencontrer d’innombrables difficultés, on n’en peut certes douter. Il ne faut cependant rien exagérer, il faut laisser aux choses leur vrai caractère. Il est bien clair qu’en tout cela, quelle que soit la gravité de ces résolutions et de ces actes, il y a une intention modératrice. Il est clair qu’en subissant une nécessité, ce qu’il a considéré comme une nécessité, le gouvernement a voulu se borner à ce qu’il ne croyait pas pouvoir éviter, qu’il s’est proposé de circonscrire cette triste campagne, qu’il a entendu se défendre de tout ce qui ressemblerait à des proscriptions de personnes et à des violences inutiles. Il a cru, comme on dit, faire la part du feu par cette distinction entre les jésuites, définitivement frappés dans leur caractère corporatif, et les autres communautés, à qui il laisse la ressource d’une demande d’autorisation. Il n’a pas voulu, comme l’esprit de secte le lui demandait, porter sur la tribune les dépouilles des congrégations : c’est un rôle qu’il n’a pas accepté. Oui, sans doute, le gouvernement a fait ce qu’il a pu pour se tirer d’une situation compromise le moins mal possible. Il s’est efforcé de ne pas dépasser une certaine limite, et, nous n’en doutons pas, M. le président du conseil particulièrement, en allant jusqu’à cette limite, a cru