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Ce consentement lui a coûté, cette concession lui a été cruelle; mais en la faisant il n’a pas dérogé aux traditions du pontificat romain. L’église catholique aurait depuis longtemps perdu l’ascendant qu’elle conserve encore, si sa doctrine n’était pas un idéalisme tempéré par la politique et par la connaissance des hommes. Dans ses encycliques, elle pose comme indubitables des principes absolus et farouches contre lesquels les portes de l’enfer ne sauraient prévaloir; dans la pratique, elle se prête aux transactions, aux accommodemens. Elle prononce des anathèmes contre la liberté de conscience et la liberté des cultes; mais elle estime que dans certaines circonstances il faut tolérer comme un moindre mal ces inventions impies et diaboliques, sans jamais les présenter comme un bien désirable. Elle condamne la liberté de la presse, elle en fait usage avec un art infini. Elle réprouve le divorce, mais elle multiplie les cas de nullité de manière à mettre à l’aise toutes les infortunes conjugales. Elle affirme en toute rencontre qu’il faut obéir à Dieu et non aux hommes; mais les hommes, surtout quand ils sont nés à Schönhausen et qu’ils possèdent à Varzin de vastes sapinières, parlent toujours clairement, leurs déclarations sont fort nettes. Dieu au contraire se plaît aux énigmes, et ses arrêts sont sujets à interprétation. Quand il voulut avertir saint Pierre, il se contenta de faire chanter un coq; sait-on toujours bien ce que veulent dire les coqs?

Quelles seront les conséquences probables de la lettre à l’archevêque de Cologne et du sacrifice que le souverain pontife vient de s’imposer? Le gouvernement prussien se hâtera-t-il de payer d’un généreux retour l’avance qui lui a été faite? On peut être assuré qu’il n’y a rien d’écrit: M. de Bismarck n’écrit jamais; en revanche, il est très friand de l’écriture des autres. Les journaux officieux de Berlin annoncent que le ministère s’est réuni pour aviser à la situation, qu’il a délibéré vaguement sur les adoucissemens qu’on pourrait apporter, le cas échéant, à la législation religieuse. Rien n’est encore décidé, rien n’est fait. Ce serait s’abuser étrangement que de prévoir la fin très prochaine du conflit. Si la paix est rétablie, ce sera une œuvre de longue haleine, et il faudra que tout le monde y mette beaucoup de bon vouloir. Le pape a consenti à ce que les évêques se conformassent à l’une des lois de mai, il n’a rien dit des autres, et il y en a beaucoup. Comme on sait, il y a eu trois pontes et trois couvées successives de lois de mai. Les rancunes du roi sont terribles, a dit le fabuliste, et surtout celles du roi lion. Trois années de suite, dans le beau mois où le rossignol chante, où les roses fleurissent, où les poètes allemands accordent leurs lyres ou leurs guitares, le gouvernement prussien s’est présenté devant son parlement les mains pleines de lois de rigueur et de colère, que la chambre des députés a votées avec un joyeux empressement, en se donnant le plaisir d’en aggraver quelques dispositions, tandis que la chambre des