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deux choses ; la nature de la marchandise et son parcours. Or, en Alsace, il n’y a pas à tenir compte du parcours, puisque le réseau est très court et n’a guère qu’une seule direction magistrale, Mulhouse à Metz : il ne reste donc que la nature de la marchandise. Pour peu qu’on continue à suivre la même marche et qu’on crée de nouvelles classes, on arrivera à un système ressemblant singulièrement à celui de nos compagnies.

L’expérience faite en Alsace n’a donc pas réussi, et pourtant il est difficile de trouver des conditions plus favorables pour l’essayer. Le réseau est restreint, il est homogène, il ne communique avec les chemins de fer étrangers que par un petit nombre de points ; la densité de la population y est à peu près uniforme, et le trafic y est très développé ; en outre, il n’y pas d’actionnaires pour se plaindre de la maigreur des dividendes, et on n’est même gêné par aucune représentation locale. Certes, si l’expérience avait réussi, nous aurions le droit de la récuser et de contester son application à un des réseaux français, où les distances sont plus que doubles et qui traversent les régions les plus variées comme population, comme climat et comme industrie.


III.

Puisque le système de la taxe unique ne donne pas satisfaction aux réclamations de l’industrie, il faut chercher ailleurs le moyen de donner les abaissemens de tarifs. Mais il serait bien nécessaire d’abord de se rendre un compte exact de ces réclamations.

Nous avons déjà expliqué que l’expéditeur, en déplaçant sa marchandise, se proposait un certain bénéfice et que le prix du transport est prélevé sur ce bénéfice. Il est donc clair que cet expéditeur désire payer son transport le moins cher possible : cela est évident; mais ce n’est pas ainsi que la question doit être posée. Ce qu’il faut voir, c’est si la marge des bénéfices procurés par le transport est assez large pour permettre de supporter le tarif. Le commerce est arrivé aujourd’hui à un certain état d’équilibre : certaines marchandises se déplacent, et, par suite, pour celles-là la taxe n’est pas trop lourde; on ne voit donc pas la nécessité de dégrèvement; mais il en est d’autres qui sont immobilisées aujourd’hui ou tout au moins qui ne peuvent pas dépasser un certain rayon : c’est de celles-là qu’il faut se préoccuper; c’est pour elles qu’il faut créer de nouveaux tarifs très réduits. Alléger les prix de transport du trafic actuel, c’est prendre dans la bourse de la communauté pour subventionner le commerce : tel ne peut être le but;