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n’est pas abrogée. Le texte de la loi ne prévoit que les dangers de destruction par l’incendie. Mais on doit voir l’esprit de cette loi qui a été édictée pour garantir les objets d’art de la destruction. Or pour les tableaux, les pastels, les dessins, les tapisseries, les sculptures en bois, l’humidité n’est pas moins à redouter que le feu. Selon l’esprit de la loi, les locaux humides devraient être changés ou du moins assainis. Pourquoi aussi avoir supprimé l’inspection des musées des départemens? Ces inspecteurs veilleraient à l’observation de la loi de brumaire, donneraient leur avis pour le placement des tableaux et leurs conseils pour la rédaction des catalogues. Ils renseigneraient l’administration sur l’état et les besoins des musées, que chaque jour modifie; ils s’occuperaient de la répartition des envois annuels. Ils seraient en province les avocats de l’administration et à Paris les avocats des musées. Le ministère aurait encore à envoyer à toutes les municipalités et aux conservateurs des musées une circulaire leur enjoignant de considérer les envois de l’état comme des dépôts et non comme des dons; de réviser les catalogues dans un délai de trois ans et de les rédiger sur le modèle de celui du Louvre. Enfin, peut-être, l’administration des Beaux-Arts pourrait-elle obtenir des municipalités qu’elles lui soumissent la nomination des conservateurs el les plans des musées à construire.

Mais pour que toutes ces mesures ne soient pas illusoires et qu’elles aient une sanction légale, il faut présenter aux chambres un projet de loi sur les musées. Cette loi devra être analogue à l’ordonnance royale sur les bibliothèques, du 22 février 1839, ordonnance qui soumet les bibliothèques communales à la surveillance permanente de l’autorité supérieure et qui défend toute aliénation. Les musées ont la même origine que les bibliothèques. Ils ont été fondés dans les mêmes circonstances. Ils ont reçu, comme les bibliothèques, des legs et des dons des particuliers et des allocations des villes; mais, comme les bibliothèques, ils ont été et ils sont chaque année enrichis par l’état. C’est donc une anomalie inconcevable qu’il y ait une loi sur les bibliothèques et qu’il n’y ait aucune loi sur les musées. Au même titre que les bibliothèques, les musées sont d’utilité publique. Ils ne sont pas faits seulement pour l’étude des artistes et pour le plaisir des connaisseurs. Ils servent à tout le monde. Ils appartiennent à l’enseignement primaire comme à l’enseignement supérieur. Ils frappent les yeux de l’enfant et ils achèvent l’éducation de l’homme.


HENRY HOUSSAYE.