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des musées, il serait utile que ces musées fussent reliés à l’administration des Beaux-Arts par des rapports suivis et fréquens. En 1872, on a classé au ministère les musées des départemens en musées de première, de deuxième et de troisième classe. Bien comprise pour les grands musées, cette classification est tout arbitraire pour les musées de moindre importance, sur lesquels on n’avait que des renseignemens insuffisans. Ainsi le musée de Béziers, qui possède 156 tableaux intéressans, est musée de troisième classe, et le musée de Castres, qui n’a que 54 toiles sans valeur, est musée de deuxième classe. C’est cependant cette classification qui sert de base à la répartition des envois de l’état après les Salons annuels. De plus, on a beau posséder au ministère les catalogues des musées, qui souvent ne sont plus à jour et que d’ailleurs on ne pense pas à consulter, on ignore à peu près les besoins de ces musées, le caractère de leurs collections, les locaux dont ils disposent. C’est ainsi qu’on envoie à tel musée déjà encombré une grande toile que le conservateur ne pourra placer que debout sur un chevalet, masquant les tableaux de tout un panneau, et qu’on expédie à tel autre musée un tableau de petite dimension qui sera comme perdu sur une paroi à peine remplie. Au musée de Toulouse, qui a plus de cinq cents tableaux, il n’y a pas un seul paysage de l’école contemporaine ; au musée de Tarbes, qui n’a pas deux cents toiles, il y en a une dizaine. Le musée de Montpellier possède un Reynolds, des Greuze, des petits flamands, des Delacroix, des Courbet, à faire envie au Louvre ; il n’y faut pas de tableaux, il y faut des statues. A Villeneuve-lès-Avignon, le musée, situé dans un hôpital desservi par des sœurs, est une sorte de musée chrétien. Une Descente de croix, de Philippe de Champagne, une des plus belles œuvres du maître que nous connaissions, est entourée d’Ecce homo, d’Annonciations, de Martyres de saint Pierre, de portraits d’évêques et de moines. L’administration des Beaux-Arts a envoyé une nymphe peu vêtue qui jure étrangement au milieu de ces saintes figures. Il était d’autant plus aisé d’envoyer là un tableau religieux que ces sortes de tableaux ne sont pas très demandés par les autres musées. Le musée d’Agen est magnifiquement installé; il a de l’avenir. La commission en retarde l’inauguration, manque de trois ou quatre grandes toiles qui couvriraient une paroi vide. Il faudrait envoyer ces toiles au plus vite. Il y aurait au contraire à cesser provisoirement tout envoi aux musées qui sont en construction ou en réparation, aux musées dont les municipalités ne prennent nul souci, et surtout aux musées qui n’existent pas, comme à Mont-de-Marsan, à Foix, à Privas. Ceci mérite explication. La direction des Beaux-Arts croit à l’existence de musées qui sont purement imaginaires;