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des cinq cents concluant à la création d’écoles nationales des beaux-arts dans les principales villes de France et à l’établissement successif de musées auprès de ces écoles. L’année suivante, en brumaire an VII, l’administration centrale, justement inquiète de la conservation des collections départementales, fit promulguer une loi prohibant l’établissement de fabriques ou magasins de matières combustibles dans les locaux et dans le voisinage des locaux renfermant des objets d’art.

L’heure était venue où les musées des départemens allaient s’enrichir glorieusement. Les conquêtes des armées républicaines, les batailles gagnées par Bonaparte venaient de doter la France de trésors d’art qui étaient en même temps des trophées de victoire. Le Louvre regorgeait de chefs-d’œuvre, et plus de seize cents toiles de maîtres étaient déposées, faute de place, à Versailles et dans les magasins du Louvre. C’étaient les rançons de guerre, convenues par les traités et les armistices, de Rome, de Florence, de Parme, de Bologne, de Milan, de Venise. Le 14 fructidor an VIII (1800), le premier consul, sur la proposition de Chaptal, rendit l’arrêté suivant:

« Article 1er. — Il sera nommé une commission pour former quinze collections de tableaux qui seront mises à la disposition des villes de Lyon, Bordeaux, Bruxelles, Strasbourg, Marseille, Rouen, Nantes, Dijon, Toulouse, Genève, Caen, Lille, Mayence, Rennes, Nancy.

« Art. 2. — Ces tableaux seront pris dans le Muséum du Louvre et dans celui de Versailles.

« Art. 3. — Les tableaux ne seront envoyés qu’après qu’il aura été disposé aux frais de la commune une galerie convenable pour les recevoir. »

Huit cent quarante-six tableaux, dont 230 des écoles italiennes, 234 des écoles flamande, hollandaise et allemande, et 382 de l’école française, furent ainsi répartis dans quinze grandes villes de France. Les tableaux français et beaucoup de tableaux flamands et hollandais provenaient de l’ancienne collection royale, de la collection de l’ancienne Académie royale de peinture, des églises et des couvens de Paris. Les tableaux italiens venaient d’être conquis par nos soldats; ils avaient été payés leur pesant de sang. En 1803, le premier consul décida qu’un second envoi serait fait à d’autres villes. Tours, Montpellier, Douai reçurent alors des tableaux. En 1811 enfin, un nouveau décret de l’empereur ordonnait que 211 tableaux seraient répartis entre les musées de Lyon, de Dijon, de Grenoble, de Bruxelles, de Caen et de Toulouse.

Telle est la double origine des grands musées des départemens : les confiscations révolutionnaires et les conquêtes des armées de la république et de l’empire. Leurs fondateurs sont la convention et