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Carlo venne in Italia, e per ammenda,
Vittima fe di Curradino ; e poi
Ripinse al ciel Tommaso, per ammenda.

Tempo vegg’ io non molto dopo ancoi
Che tragge un altro Carlo fuor di Francia,
Per far conoscer meglio e se e i suoi.

Senz’ arme n’ esce, e solo con la lancia
Con la quai giostiò Giuda ; e quella ponta
Si, ch’ a Fiorenza fa scoppiar la pancia…

L’altro, che già uscl preso di nave,
Veggio vender sua figlia, o patteggiarne,
Corne fan li corsar dell’ altre schiave[1]

LE PRINCE SILVIO. — M. Michelet a très justement appelé ces furieuses terzines « la plainte du vieux monde mourant contre le laid jeune monde qui lui succède[2]. » C’est qu’avec la clairvoyance de la haine, en effet, le théoricien fanatique du cosmopolitisme chrétien a reconnu là-bas, sur les bords de la Seine, « la racine de la male plante qui assombrissait toute la terre ; » il y a reconnu l’essai formidable d’un organisme indépendant, centralisé, uni en lui-même ; l’exemple éclatant et dangereux d’un nouvel ordre de choses incompatible avec la monarchie universelle. Il faut bien en convenir, l’œuvre poursuivie par les rois capétiens fut, dès l’origine, la contradiction, la négation plus ou moins consciente, plus ou moins avouée, mais continue et persévérante du saint-empire romain. Une telle œuvre ne devait pas trouver grâce devant Alighieri, alors même qu’il l’eût vue aux mains d’un saint Louis : aux mains d’un Philippe le Bel, elle lui parut satanique. Nous-mêmes, et malgré toutes nos idées sur la fatalité historique, sur la marche implacable du progrès, n’avons-nous pas encore aujourd’hui quelque peine à nous faire au légiste en cuirasse, au procureur bardé de fer, au fiscal sanguinaire qui fut le petit-fils de saint Louis, ainsi qu’à son terrible entourage de chevaliers ès-lois, les Marigni, les Plaisian, les Nogaret ? S’il est vrai que Philippe le Bel a « définitivement inauguré, sur les ruines du droit ancien, la conception de l’état, le pouvoir absolu du souverain, l’immoralité transcendante de la politique[3], » on ne peut qu’admirer le génie du poète gibelin d’avoir aussitôt démêlé le principe destructeur de son idéal et su lire dans les astres que ceci tuerait cela.

C’est par Hugues Capet lui-même, leur ancêtre, que Dante, fait prononcer ce violent réquisitoire contre « les Philippe et les Louis qui

  1. Purgati XX, 43-81.
  2. Michelet, Hist. de France, t. III. chap. 2 initio.
  3. Voyez l’étude de M. Renan sur Nogaret, dans la Revue du 15 mars 1872.