à cette époque entre l’Angleterre et la France tenaient moins à la question elle-même qu’aux procédés diplomatiques du cabinet impérial. Dans le premier cas, le gouvernement français n’avait pas insisté, et à une embarrassante réclamation on avait substitué la négociation d’un traité d’extradition qui assimilait aux crimes de droit commun les attentats contre les souverains. Il y a ceci à remarquer, du reste, qu’un traité d’extradition eût-il existé aujourd’hui avec la Russie, notre gouvernement n’aurait pas pu agir d’une manière sensiblement différente et se dispenser d’examiner les titres sur lesquels s’appuyait la demande russe. Il a fait tout ce qu’il pouvait dans la limite de ses devoirs et de ses droits ; il l’a fait avec le sentiment impartial de ses obligations envers un gouvernement ami et, à tout prendre, si au premier moment il a pu y avoir quelque mécompte à Saint-Pétersbourg, la réflexion ne tardera pas à ramener le cabinet du tsar à une appréciation plus vraie d’un procédé simple et correct.
On a pu dire, il est vrai, — que ne dit-on pas ? — qu’à la suite du refus de la France le prince Orlof pourrait être conduit à prendre prochainement un congé et que ce congé pourrait ressembler à un signe de refroidissement ou de dépit, qu’il aurait aux yeux du monde européen une mauvaise apparence. Le prince Orlof dût-il prendre effectivement un congé, on ne voit pas bien comment l’absence momentanée de l’ambassadeur du tsar aurait nécessairement la signification et la portée qu’on lui prête. Si les rapports amicaux de la France et de la Russie ont une sérieuse raison d’être, ils ne sont pas évidemment à la merci d’un incident passager, d’un acte qui n’a point été inspiré par une pensée désobligeante, bien moins encore par une sympathie quelconque pour des agitations révolutionnaires auxquelles ni notre gouvernement ni notre pays ne peuvent s’intéresser. La vérité est que, sans aller attacher plus d’importance qu’il ne faut à un incident extérieur qui n’a par lui-même rien d’extraordinaire, la Russie a bien assez de ses affaires intérieures.
Elle reste en effet dans une situation toujours grave, et le vingt-cinquième anniversaire de l’avènement de l’empereur Alexandre II, tout récemment célébré à Saint-Pétersbourg, semble avoir eu un caractère particulièrement émouvant, assez mélancolique au milieu des événemens lugubres qui se succèdent, qui finissent par créer dans une partie de la population une véritable panique. Rien ne décourage les conspirateurs, et la famille impériale venait à peine d’échapper à l’explosion du Palais d’Hiver, que le nouveau gouverneur de Pétersbourg, le général Loris-Mélikof, a été lui-même l’objet d’une tentative d’assassinat. Le meurtrier a été pris au moment où il venait de décharger son arme et il a été exécuté deux jours après. Aux attentats on répond par les répressions, par les concentrations de pouvoirs, par les mesures extraordinaires. C’est la fatalité de ces momens de trouble. Quel sera le