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prendre feu pour cet article 7 au point de menacer le pays de nouvelles crises politiques. L’aberration véritable, c’est de voir dans ce qui n’a été après tout que la mésaventure de M. Jules Ferry un prétexte d’agressions violentes contre un des pouvoirs publics, contre le sénat, contre les républicains libéraux qui ont contribué à décider le dernier vote. Qu’a donc fait de si extraordinaire le sénat ? Est-ce qu’il n’existe pas au même titre constitutionnel que la chambre des députés ? Est-ce qu’il est sorti de son rôle en votant avec indépendance sur une mesure qu’il a jugée dangereuse ? Est-ce qu’enfin M. Dufaure, M. Jules Simon, ne sont pas dans la république des autorités aussi sérieuses que M. Floquet et M. Brisson ? C’est tout au plus cependant si sur l’heure on n’a pas proposé la déchéance du sénat, si on n’a pas interpellé le ministère sans attendre le vote définitif de la loi sur l’enseignement. Les groupes se sont réunis, les fortes têtes ont délibéré avec la gravité qui leur appartient sur la manière de répondre au vote sénatorial. Ainsi voilà des hommes qui, d’un côté, veulent qu’on respecte, qu’on applique des lois obscures, incertaines pour tout le monde ; d’un autre côté, ils ont là sous les yeux une loi claire, nette, impérieuse, la constitution, et ils ne la respectent même pas. Ils ne respectent pas l’autorité, l’indépendance d’un des pouvoirs constitutionnels. Ils déclarent gravement, en réponse à un vote régulier, que l’heure des résolutions viriles est venue. Quelle résolution virile ont-ils à prendre si ce n’est celle de se taire raisonnablement ? Ce qu’il y a de mieux en effet, c’est de ne pas tant s’agiter pour rien, d’accepter simplement et sans mauvaise humeur ce qui a été fait en toute légalité. Avant l’interpellation qui n’est que suspendue et qui doit revenir, à ce qu’il paraît, un de ces jours prochains, le gouvernement aura pu vraisemblablement calmer un peu toutes ces intempérances, et quelle que soit la vivacité de l’interpellation, M. le président du conseil n’acceptera certainement que ce qui sera dans la mesure de la politique de modération qui convient à son caractère et à ses talens. Nul doute qu’après avoir correctement couvert la chambre des députés devant le sénat, en appuyant de son autorité un acte dont il n’aurait pas pris l’initiative, il ne tienne à couvrir le sénat devant l’autre chambre, en ramenant les esprits emportés à la régularité constitutionnelle. Ce qui sortira de tout cela, selon toute apparence, c’est quelque ordre du jour plus ou moins habile qui en définitive laissera au gouvernement, avec la responsabilité de l’exécution des lois, une liberté suffisante pour pacifier une situation trop longtemps troublée. Franchement, au lieu de se livrer à toutes ces effervescences, on ferait mieux de revenir le plus tôt possible aux affaires du pays, qui ne s’intéresse pas démesurément à des conflits, à des agitations sans profit pour lui comme sans honneur pour ceux qui les excitent.

Un incident suffit souvent pour éclipser tous les autres. Les discus-