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les liquidateurs se sont prononcés pour la responsabilité des trustees. Diverses instances se sont par suite engagées. L’une d’elles, poursuivie jusque devant la chambre des lords, a donné lieu à une décision solennelle de la plus haute cour de justice du royaume. La cour, présidée par le lord chancelier, se composait de six magistrats ou anciens magistrats les plus éminens de l’Angleterre, notamment lord Penzanz, lord Blackburn. La cour a maintenu son ancienne jurisprudence et jugé conformément à la tradition. Les trustees ont été condamnés; suivant la coutume anglaise, dont on ne saurait méconnaître les avantages, le jugement s’est fait devant le public. Chaque magistrat a donné publiquement son avis ; c’est de la majorité des avis produits à l’audience que la décision résulte. « Les créanciers de la banque, a dit notamment lord Selborne, ont compté sur le concours de tous les actionnaires. Quand les trustees ont accepté le mandat de la Trust et acquis des actions, ils ont dû connaître les conséquences de leurs actes. Tout le monde est censé savoir la loi ou la tradition qui fait loi. »

En quinze mois, la liquidation a été achevée. C’est un exemple qu’il importe de ne pas oublier, quand on connaît les interminables lenteurs des syndics français. L’entier passif s’est élevé à 321 millions, les recouvremens à 121 ; les appels de fonds ont produit 127 millions. Les liquidateurs ont soutenu trois cent quinze procès. Les frais de liquidation ont dépassé 2,500,000 fr. Il restait à régler les honoraires des liquidateurs, qui réclamaient 930,000 fr. On leur a offert 520,000 fr. La cour d’Edimbourg les a réduits à 1/4 pour 100. Les banques d’Écosse sont intervenues pour clore la liquidation, arrêter les poursuites et prendre les derniers arrangemens. Des créances considérées comme douteuses étant devenues bonnes, on a pu en finir. Parmi ces créances figure en première ligne celle de la banque de Glasgow contre la société territoriale de la Nouvelle-Zélande et l’Australie au capital fabuleux de 2 milliards 500 millions.

La banque de Glasgow n’est pas la première banque par actions qui tombe en faillite; Adam Smith a laissé le récit des pertes énormes de MM. Douglas, Héron et C°; de 1844 à 1875, soixante et onze banques privées ou par actions ont fait faillite ; ce n’est pas la première fois que des administrateurs sont condamnés et des trustees rendus responsables. Le procès de la Royal British Bank, fermée en 1850, est encore, en Angleterre, présent à bien des esprits, mais c’est la première fois que la faillite d’une banque relativement importante est suivie d’un désastre aussi terrible pour les actionnaires; c’est la première fois qu’elle révèle la puissance des dépôts dont une banque de second ordre, en Écosse, peut disposer, la nature des affaires dans lesquelles