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évaluèrent le passif à 129 millions de francs, défalcation faite de tout actif ; mais un second rapport porta bientôt cette somme, déjà si considérable, à 152 millions. Les engagemens de la banque s’élevaient à 319 millions : circulation de notes, 21 millions, acceptations 68 millions 500,000 francs ; dépôts 220 millions. Les ressources liquides ne montaient pas à la moitié de ce passif. La stupeur fut générale à Glasgow et la consternation en Écosse.

En même temps éclataient d’autres sinistres : la Caledonian Bank, à Inverness, entraînée par la banque de Glasgow ; la West of England and South-Wales District Bank à Bristol, au capital de 25 millions, avec quarante-neuf succursales ; MM. Swann, Clough et C°, private bankers, à York, maison fondée en 1771, jouissant du droit d’émission ; MM. Fenton and Sons, private bankers, à Rochdale ; the Cornish Bank, à Truro ; the Chesterfield Bank ; un peu plus tard l’une des plus anciennes et plus honorables banques privées d’Angleterre, MM. Willis Percival et C°, à Londres ; sans compter quatre autres banques privées, Smith Fleming et C°, Colin Dunlop et C°, Hugh Balfons et C°, Potter Wilson, qui, comprises dans la clientèle directe de la banque de Glasgow, partagèrent son sort. L’émotion gagna l’Angleterre elle-même. En quelques jours, les consolidés perdirent 1 pour 100. Une baisse sérieuse se produisit sur le cours des actions de toutes les banques. Les actions de la banque d’Écosse et de la banque royale d’Écosse, banques de premier ordre, tombèrent de 327 livres à 282 et de 236 livres à 205. La baisse fut grande encore sur la Clydesdale Bank, 180 livres au lieu de 278.

Mais la stupeur et l’angoisse devinrent encore plus intenses quand le public put se rendre bien compte de la situation. Les banques d’Écosse, constituées autrement que par des chartes du roi ou du parlement, ont été fondées, au siècle dernier, sur le principe traditionnel en Angleterre de la solidarité des participans. Elles avaient dû, en partie, leurs succès à ce principe ; elles y étaient restées attachées, malgré les changemens survenus dans la législation et dans l’opinion. Ce principe, déjà contestable et redoutable à l’origine, pouvait avoir les plus terribles conséquences avec le développement extraordinaire des banques. Il se trouvait en effet que, d’après l’acte constitutif de la banque de Glasgow, mille deux cent quarante-neuf actionnaires, après avoir perdu leur capital, avaient encore à verser solidairement 152 millions, c’est-à-dire six fois le capital primitif.

Glasgow est aujourd’hui la seconde ville de l’Angleterre. C’était à la fin du XVe siècle une petite ville de marins et de pêcheurs, comptant quatorze mille âmes. Elle en a maintenant cinq cent cinquante