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française sur les banques, il est facile de reconnaître qu’au contraire la liberté d’association a été maintenue et le droit d’émission restreint.

Les premiers private bankers remontent à la seconde moitié du XVIIe siècle. Quelques-uns, tels que les Child et C°, Strahan, Hoare, Colebrooke, existent encore. Le XVIIIe siècle a été leur plus brillante époque. C’est alors que se sont formées les fortunes populaires de Thomas Guy, de David Barclay, de F. Baring, de Thomas Coutts, de M. Hope et de Peter Thellusson, types du millionnaire anglais. Thellusson laissa, en effet, 18 millions et Coutts 24. La fortune de Coutts est aujourd’hui possédée par Mme Burdett-Coutts, l’une des femmes les plus distinguées et les plus bienfaisantes de la haute société anglaise. Le testament de Thellusson, mort en 1797, est demeuré célèbre dans les fastes judiciaires de l’Angleterre. Après avoir distribué 5 millions entre sa femme, ses enfans, ses amis, Thellusson chargeait des fîdéicommissaires d’administrer les 13 millions restans et de les remettre, avec les revenus accumulés, aux descendans mâles de sa famille à la troisième génération. Il avait calculé que sa fortune s’élèverait alors à 70 millions de livres sterling, soit 1,750 millions de francs. Les générations successives issues de M. Thellusson ont plaidé pendant quarante ans sur son testament à la grande joie des solicitors et des avocats. Ces procès firent tant de bruit qu’une loi interdit à l’avenir, au-delà d’un certain temps, l’accumulation des capitaux et des revenus substitués.

Les banques privées provinciales se développèrent postérieurement à celles de Londres. L’une des plus anciennes fut fondée en 1716 à Glocester par James Wood, dont le petit-fils est resté populaire par la simplicité de ses habitudes (il tenait presque boutique) et sa grande fortune. Il a laissé 25 millions ; c’est surtout à l’époque où l’industrie manufacturière, grâce aux découvertes de Hargreaves, de Crompton, de Arkwright, de Watt, prit son essor, que les banques privées se développèrent dans les comtés. Au moment de la révolution, on en comptait quatre cents. Plus du quart sombrèrent dans la crise de 1793; mais elles se relevèrent. En 1809, le nombre des licences des banquiers s’éleva à sept cents et à neuf cent quinze en 1816, — chiffre qui n’a pas été dépassé. En 1832, les licences étaient tombées à six cent trente-six. En 1878, on n’en comptait que deux cent cinquante-sept dont cinquante-six à Londres. Il est vrai que dans ce nombre ne sont compris ni les escompteurs, ni les changeurs, ni les grands courtiers. Les ressources des private bankers sont considérables. M. Dun, directeur de la Parr Bank, les a évaluées, dans une publication récente (1876), à 165 millions de livres sterling, soit 4 milliards de francs.