Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’on a tout espoir de l’employer utilement ; raison majeure et décisive pour ne point s’écarter de l’Alsace.

Les persécutions de l’Empire et surtout celles du duc de Wurtemberg ne doivent pas inquiéter. Il faut ruser avec les habiles. Je sais que beaucoup de personnes qui entourent Son Altesse et dont la timidité est parfaitement connue plaisantent l’idée de tenir dans la gorge d’Oppenau avec douze cents hommes; moi je me charge, s’ils n’y sont pas, d’y tenir avec huit cents hommes, etc.

(Du fort de Kehl, 6 février 1792.)


Tous ces efforts furent en pure perte. La légion noire prit position à dix lieues en arrière, puis se dispersa dans de misérables cantonnemens en attendant qu’on la compromît à tout jamais dans cette invasion de 1792 où, malgré son courage, son rôle fut si triste. Les intrigues ne cessèrent pas de s’agiter autour de Strasbourg; les Allemands avaient repris les fils abandonnés par les royalistes.

Luckner, Courtivron, les chefs catholiques se dérobent; Broglie, Diétrich redoublent de zèle et de surveillance; mais Maurice de Hesse, le baron Frey, le prussien Klauer, le pasteur Bierlyn, le déserteur Buttenschoïn, le prêtre Schneider, les banquiers juifs, les exaltés des clubs, dominent la situation et provoquent des émotions populaires dont le résultat doit être, pour les uns l’écrasement des modérés, pour les autres la restitution de l’Alsace à l’Empire.

En dehors des pièces inédites que je viens d’analyser, de rares documens parmi ceux qui ont été publiés sur l’époque révolutionnaire à Strasbourg, se rapportent aux tentatives dont cette ville fut l’objet de 1790 à 1793. La déclaration de guerre à l’Autriche, connue en Alsace le 24 avril 1792, apporta l’enthousiasme dans la ville; mais le désordre était au comble: l’arrivée successive des volontaires, les motions des clubs, jetaient chaque jour dans les esprits de nouvelles causes d’agitation. Le 8 juin 1792, des volontaires attaquent le régiment suisse Vigier; une émeute sanglante éclate; le maire Diétrich est de nouveau dénoncé par les jacobins.

Le 11 juin 1792, Roland, ministre de l’intérieur, lui écrit :


Un bruit, monsieur, qui vous inculpe, ainsi que les administrateurs du département du Bas-Rhin, s’est répandu dans cette ville. On parle d’une conspiration pour livrer Strasbourg aux ennemis de la France... On va jusqu’à citer les sommes d’argent répandues pour effectuer la corruption et les infamies dont je vous entretiens et sur lesquelles je suis en droit de vous demander des explications.


Le 12 juin, Servan, ministre de la guerre, écrit à Lamorlière, commandant par intérim l’armée du Rhin, pour se plaindre de la