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frères, n’est que le retour à l’ordre par voie pacifique. On ne saurait y voir l’apparence d’une provocation, surtout de la part des puissances étrangères qui n’y auraient même aucunement participé.

Pénétrés de cette vérité, et d’après ce que nous tenons de la personne de confiance que vous connaissez, nous regardons comme certain et nous vous autorisons à assurer, s’il était nécessaire, qu’autant aux Tuileries on est contraire à toute entreprise partielle, petite et douteuse, autant on y serait satisfait de nous voir maîtres de prendre tranquillement possession de la capitale de l’Alsace, et que tous ceux qui auraient contribué à cette heureuse possession, à plus forte raison ceux qui l’auraient décidée, recevraient un jour de Sa Majesté les applaudissemens dus à leur zèle et des récompenses honorifiques proportionnées à la grandeur d’un tel service.

Si cette favorable conjoncture se présente, nous nous en rapportons pour le temps et les moyens d’exécution à votre sagesse et à votre habileté, étant bien persuadés que vous saurez mettre les circonstances locales à profit sans rien compromettre.

Nous approuvons extrêmement et nous vous recommandons de plus en plus la bonne idée que vous avez d’envoyer, le cas arrivant, en toute diligence et avant tout autre départ quelconque, un courrier à Paris pour prévenir ceux qui veillent à la sécurité de Leurs Majestés de redoubler en ce moment d’attention et de rassembler autour d’elles toutes les forces disposées à les secourir : elles sont heureusement assez grandes aujourd’hui pour qu’il n’y ait rien à craindre. D’ailleurs, cet événement serait plus propre à déconcerter les séditieux qu’à enhardir leurs attentats, surtout lorsqu’ils sauraient ce qui serait alors public ; la confédération des plus grandes puissances contre leur criminelle usurpation, et qu’ils verraient des armées nombreuses s’avancer sur nos frontières déjà accessibles.

Les résolutions de l’empereur, celles du roi de Prusse, ne sont plus douteuses. Ces deux souverains, assurés des dispositions de la Russie, de la Suède et de l’Espagne qui les ont même prévenus, combinent présentement avec ces cours coalisées le plan de leur marche, et déjà ils ont donné des ordres à leurs troupes. L’Empereur, outre celles qu’il a en Flandre, aura une autre armée commandée par un prince de Hohenlohe; le roi de Prusse fera marcher la sienne vers le moyen-Rhin; les Hessois disposent leur cordon depuis Hanau jusqu’à Rhinfelds; les Suisses se joindront aux troupes piémontaises vers les Alpes, et celles de l’Espagne se rassemblent en Catalogne. Aussi les fidèles serviteurs du Roi auront pour appui, et la sûreté du Roi aura pour garant, le développement des forces les plus formidables.

Tout cela doit être d’un grand encouragement pour les chefs de la garnison de Strasbourg. Servez-vous-en pour ranimer leur zèle, et assurez-les qu’à l’instant que nous vous saurons à leur tête, nous irons jouir