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III.

Quelles étaient les forces dont disposaient les correspondans de M. de Vioménil? Pouvaient-ils compter sur le concours des habitans? Dans quelle mesure? De quelle façon les troupes devaient-elles se déclarer?

Un document unique donne réponse sur tous ces points. C’est le plan d’opérations rédigé de la main de M. de Vioménil, à Kehl, le 11 janvier 1792, et qui contient les détails les plus circonstanciés sur les ressources du parti royaliste à Strasbourg. La garnison se composait de six régimens : deux de carabiniers, de chacun 400 cavaliers; celui de Royal-Liégeois et celui de Salm-Salm, forts chacun de 1,000 hommes; le régiment de Vigier, 600 hommes; les Cent-Suisses du marquis de Pallavicini, forts de 700 hommes; au total : 4,100 hommes de vieilles troupes. Les Carabiniers et le Royal-Liégeois étaient absolument déclarés dans leurs opinions et prêts à tout; les autres comptaient quelques soldats douteux; tous les officiers étaient sûrs. Les cinq paroisses de la ville : Saint-Etienne, Saint-Laurent, Saint-Louis, Saint-Pierre-le-Vieil et Saint-Pierre-le-Jeune, devaient fournir 3,000 bourgeois armés, décidés à appuyer les régimens royalistes. On comptait que 10,000 catholiques, bons royalistes, n’hésiteraient pas, une fois la contre-révolution proclamée, à s’unir aux 3,000 des leurs qui s’engageaient à jouer, dès la première heure, un rôle actif dans la prise d’armes. M. de Vioménil se croyait sûr des curés de la province et de leurs paroisses; il annonçait dans son ordre de marche que 40,000 Alsaciens étaient prêts à accourir en armes aussitôt que le tocsin, sonnant de clocher en clocher, aurait appris aux affiliés de l’extérieur que la ville était au pouvoir des troupes de ligne et que la citadelle avait ouvert ses portes.

Les royalistes trouvaient en face d’eux, à Strasbourg même, environ 6,000 gardes nationaux casernes dans le couvent des Récollets et dans le séminaire, la garnison de la citadelle composée de trois bataillons de volontaires, deux compagnies d’ouvriers à l’arsenal et près de 200 canonniers casernes au parc d’artillerie, qui renfermait, tout attelées, munies de leurs caissons et largement approvisionnées, dix pièces de 4 et huit pièces de 12. Le directoire du département, celui du district et la municipalité étaient aux mains des républicains, la plupart modérés, mais surveillés de près par les clubs, dont les bureaux, établis en permanence, constituaient la véritable administration de la ville, particulièrement en ce qui concernait la police et les subsistances. Les protestans,