Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

platine, qui en raison de son poids spécifique a dû se concentrer dans les régions les plus profondes, est associé parfois au fer natif et allié au fer chromé, surtout dans les gisemens de l’Oural, de Bornéo ou de la Nouvelle-Zélande. D’autre part, les galets de serpentine qui l’accompagnent dans les terrains de transport de Nischne Taguilsk, et même certaines roches péridotiques qui en contiennent de petits cristaux mêlés aux grains de fer chromé, prouvent que sa gangue habituelle le rapproche aussi étroitement des météorites. Comme les débris de matière cosmique, l’intérieur de notre globe témoigne donc d’une scorification incomplète; mais ces rapprochemens inattendus avaient besoin d’un contrôle décisif. Il fallait retrouver, dans la série continue de nos roches éruptives, le terme le plus basique, le plus éloigné du granité, le fer natif lui-même.

En 1870, à Ovifak, sur le rivage de l’île de Disco à peine détachée de la cote du Groenland, l’infatigable explorateur des régions polaires, M. Nordenskjöld, trouva éparses au milieu de blocs granitiques quinze masses de fer, dont l’une atteignait le poids énorme de 20,000 kilogrammes. A quelques mètres pointait une roche basaltique, contenant aussi des grains ou des lentilles de fer natif, et dont quelques fragmens adhéraient comme une croûte aux blocs voisins. La présence du nickel et du cobalt fit d’abord attribuer à ces masses une origine météorique. Toutefois, comme M. de Chancourtois le fit observer avec une remarquable sagacité, il était vraiment bien peu probable que ces météorites d’un poids presque sans exemple fussent allées tomber précisément sur le filon de la roche qui aurait dû être logiquement la gangue du fer natif, si, au lieu de descendre des espaces célestes, celui-ci provenait des régions internes du globe. M. Daubrée, qui, par ses expériences synthétiques sur les laves d’Islande, avait été amené dès 1866 à prévoir en quelque sorte l’apparition du fer natif dans ces régions, a mis hors de doute l’origine terrestre des masses d’Ovifak. Comme les météorites charbonneuses, elles renferment, outre le carbone libre ou combiné, de l’oxyde magnétique, ce qui les relie d’ailleurs aux dolérites et aux roches voisines. Il ne serait pas impossible que les roches basaltiques qui leur ont fait cortège eussent subi une réduction partielle sous l’influence des houilles et des lignites si abondantes aux environs. Au surplus, dans l’intérieur du globe sont de puissans réservoirs de calcium et de carbone auxquels s’alimentent les émanations volcaniques. Les expériences synthétiques semblent établir que les fers d’Ovifak, comme les météorites charbonneuses, ont été soumis à des actions tour à tour ou simultanément oxydantes et réductrices, telles que les peuvent exercer la vapeur