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fusion et s’orientent ensuite pendant les laminages successifs, comme les minéraux en paillettes dans la protogine ou les roches feuilletées. Ainsi un massif tel que le Mont-Blanc offre sous deux aspects bien différens les curieux effets de schistosité et de foliation produits par l’écoulement des corps solides, et l’on peut dire qu’il présente à la fois le phénomène à l’état mort dans ses protogines et à l’état vivant dans ses glaciers.

Une dernière remarque. Le métamorphisme, nous l’avons vu, se poursuit indifféremment à travers les formations anciennes ou modernes, et a pour cause réchauffement des couches toujours plus ou moins imbibées d’eau. Comme il ne se manifeste que dans les régions bouleversées, il était naturel de rechercher si réchauffement lui-même ne pouvait pas être attribué à l’effort mécanique se traduisant partie en travail, partie en chaleur. Les expériences faites à ce sujet ont montré combien l’argile, surtout quand elle est maigre, élève sa température en frottant sur elle-même, soit entre les cylindres d’un laminoir, soit dans un tonneau malaxeur. En deux heures, le thermomètre a parfois accusé une élévation de 8 à 20 degrés. Quel échauffement considérable ont dû amener dès lors dans les roches solides les mouvemens intérieurs inséparables des ploiemens et des étiremens que leur imposaient d’énormes pressions! Souvent d’ailleurs le métamorphisme n’a pas exigé une température élevée : elle ne dépassait pas 50 degrés dans les briques romaines qui, à Plombières, se remplissaient de zéolithes. On s’explique donc aisément que la houille devienne maigre ou se change en anthracite dans le fond des bassins épais de la Belgique ou du Creuset, ou dans les couches les plus contournées des Apalaches. En même temps que les roches métamorphiques, par les modifications de leur constitution intime et par l’apparition de certains minéraux, attestent l’action de l’eau surchauffée, l’allure de leurs assises, la déformation de leurs rares fossiles et les traces de frottemens intérieurs, indiquent donc l’origine mécanique de la chaleur développée; puis là encore l’expérience vient à son tour éclaircir par des analogies concluantes l’ensemble de ces phénomènes thermodynamiques.

Un grand nombre de faits sont par là ramenés à une même cause mécanique. C’était le vœu qu’énonçait Huyghens, dans son Traité de la lumière : Omnium efjectuum naturalium causœ concipiuntur per rationes mechanicas, nisi velimus omnem spem abjicere aliquid in physicis intelligendi. Et quant à ces raisons mécaniques, est-il besoin d’y revenir après ce qui en a été si bien dit ici même? La terre, parcelle détachée de la nébuleuse solaire à l’une des phases de son évolution, se refroidit, comme un boulet rouge,