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intime dans des régions aussi peu déformées que le Weald d’Angleterre étudié par M. Hopkins, ou notre pays de Bray décrit par M. de Lapparent. Comment pourrait-on supposer d’ailleurs qu’une enveloppe élastique comme l’écorce terrestre, subissant ces écrasemens latéraux dont les preuves sont partout manifestes, n’a pas éprouvé en même temps, par l’inégalité des efforts et l’hétérogénéité des élémens, un gauchissement véritable et des torsions réitérées? L’analyse l’indique et les travaux de Lamé en ont donné la théorie mathématique; l’observation le vérifie, témoin ces failles, dites à charnière, le long desquelles une des parois a subi un mouvement de bascule, en s’abaissant ici pour se relever plus loin au-dessus de sa position première. Lente aura pu être la flexion des roches peu à peu reployées, et brusque la rupture qui, en déchirant la voûte, amena les déplacemens mutuels des divers voussoirs polis et striés sur leurs faces de glissement. Et, pour le dire en passant, là comme pour les querelles entre neptuniens et plutonistes, qui ne voulaient voir à l’œuvre dans la nature que l’eau ou le feu, les causes qui semblaient s’exclure se montrent solidaires et connexes.

C’est au même concours des actions brusques et des causes lentes que le relief du sol doit son modelé. Sans doute l’effet le plus apparent est celui des agens météorologiques : la foudre, les gelées, les pluies s’attaquent aux sommets qu’elles démolissent ; les eaux transportent les matériaux vers l’océan et les épanchent sur la route selon leur grosseur, depuis les galets des hautes vallées jusqu’aux limons des plaines baisses; fleuves et rivières sont incessamment à l’œuvre pour approfondir leur lit ou en modifier le cours, ici pour ronger leurs rives, là pour remblayer d’épaisses terrasses de gravier. Les bassins de l’Adour et de la Haute-Garonne entre autres ne sont en quelque sorte que les talus de déjection des gaves qui ravinent les pentes des Pyrénées avant de s’étaler sur les plaines d’Aquitaine. On en dirait autant des campagnes du Piémont et de la Lombardie au pied des Alpes. Cependant presque toujours le fendillement du sol avait au préalable préparé en quelque sorte la maquette du modelé. Non-seulement les fractures des roches ont démantelé les cimes et produit les chaos, les mers de roches, comme à Gavarnie ou au Brocken; non-seulement les failles ont souvent fait surgir des falaises au-dessus de régions abaissées, telles que les Vosges et la Forêt-Noire encadrant l’Alsace; mais encore d’innombrables fissures, failles ou joints, ont déterminé les chemins que devaient suivre les eaux et esquissé avant toute érosion le réseau des vallées, même dans les régions dont les couches, à peine déformées, sont demeurées sensiblement horizontales. Qu’on applique