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et tous les faits connus semblent confirmer cette opinion. Un certain nombre d’internationaux figuraient parmi les membres de la commune; notamment Amouroux, Avrial, Beslay, Dereure, Frankel, Malon, Pindy, Varlin, Serailler, Theisz et Vaillant; mais ils y étaient entrés à titre personnel. Les liens qui reliaient les diverses sections de l’Internationale étaient trop lâches pour la rendre propre à une action révolutionnaire. J’ai sous les yeux les procès-verbaux des séances de l’Internationale pendant le siège et pendant la commune, et voici ce qui s’y trouve. Dans la séance du 15 février 1871, Frankel dit : « Depuis le 4 septembre, les événemens ont dispersé l’Internationale. Nous avons une certaine force morale, sinon en France, du moins à Paris; mais la force matérielle nous manque faute d’organisation. Beaucoup d’associés ne comprennent pas le but de l’association. » Le 1er mars, une commission est déléguée auprès du comité central de la garde nationale ; mais leur action sera tout individuelle et ils ne peuvent agir au nom de l’association. Dans une autre séance, Aubry, délégué de Rouen, dit: « La révolution du 18 mars est toute sociale, et les journaux de toute la France citent l’Internationale comme ayant pris le pouvoir; nous savons qu’il en est autrement. » Dans le manifeste aux travailleurs voté dans la même séance, ils réclament les réformes les moins radicales : l’organisation du crédit, l’instruction gratuite, laïque et obligatoire, la liberté de réunion, d’association et de la presse, et l’organisation des services publics par l’autorité municipale. Le conseil général, dans sa proclamation du 9 septembre 1870 engage instamment les travailleurs à respecter le gouvernement établi, afin de sauver au moins la république et la liberté. « La situation des travailleurs français est des plus difficiles, y est-il dit, toute tentative de renverser le gouvernement actuel au milieu de cette effroyable crise et tandis que l’ennemi est aux portes de Paris, serait une détestable folie. » Marx ne croyait pas au triomphe de la commune, et il le disait dans ses lettres à ses amis de France. Aussi les violens accusèrent-ils « le juif allemand » de s’être vendu à Bismarck. Un ami de Marx, Becker, écrivait vers cette époque : « L’organisation du prolétariat n’est pas assez complète et les principes de la démocratie socialiste pas assez répandus et compris pour qu’une république rouge puisse s’établir. La transformation radicale de l’ancienne société et l’inauguration d’une nouvelle époque historique demandent du temps : c’est l’œuvre de générations successives. »

Après la chute de la commune, plusieurs branches de l’Internationale,